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Antonio das Mortes | Glauber Rocha | 1969


Titre : Antonio Das Mortes

Titre original : O Dragão da Maldade contra o Santo Guerreiro

Réalisation : Glauber Rocha

Scénario : Glauber Rocha

Production : Luiz Carlos Barreto, Claude-Antoine, Glauber Rocha et Zelito Viana

Musique : Marlos Nobre

Photographie : Affonso Beato

Montage : Eduardo Escorel

Décors : Glauber Rocha, Hélio Eichbauer, Paulo Gil Soares et Paulo Lima

Costumes : Hélio Eichbauer, Paulo Lima, Glauber Rocha et Paulo Gil Soares

Pays d'origine : Brésil

Format : Couleurs - Mono

Durée : 100 minutes

Date de sortie : 1969

Distribution :
Maurício do Valle : Antonio das Mortes
Odete Lara : Laura
Othon Bastos : L'instituteur
Hugo Carvana : Le commissaire Mattos
Jofre Soares : Le colonel Horácio
Lorival Pariz : Coirana



Glauber Rocha, apôtre du tiers-monde

"Je n'ai pas honte de dire que mes films sont produits par la douleur, par la haine, par un amour frustré et impossible, par l'incohérence du sous-développement." Ainsi parlait Glauber Rocha, météore du cinéma brésilien.

Article de Florence Colombani paru en décembre 2006 « Le Monde »

Né en 1938 à Vitoria de Conquista (Brésil), Rocha reçoit une éducation strictement religieuse. Après trois ans de droit, il devient journaliste culturel et révèle un véritable talent de théoricien. Tâtant d'abord du court métrage puis de la production, il signe son premier long-métrage en 1962. Barravento raconte l'histoire d'un homme qui tente de libérer les pêcheurs de son village d'une obéissance aveugle à leur religion. Le film fait le tour des festivals et suscite l'admiration d'Alberto Moravia.

En 1964, Le Dieu noir et le Diable blond impose Rocha comme un cinéaste de premier plan. Négligeant ostensiblement la narration classique, le cinéaste marie l'allégorie philosophique et le naturalisme stylistique. La même année, un coup d'Etat militaire au Brésil vient couper court à l'effervescence libertaire du début des années 1960. Le Dieu noir et le Diable blond marque la première apparition dans le cinéma de Rocha du personnage d'Antonio das Mortes, tueur à la solde des propriétaires terriens qui reviendra en 1969, dans le film Antonio das Mortes, en justicier au service du peuple.

Entre-temps, à Gênes, en Italie, Rocha présente, dans le cadre d'un colloque sur le tiers-monde, son manifeste L'Esthétique de la faim. En 1967, il réalise Terre en transe, pierre angulaire du Cinema Novo, ce jeune cinéma brésilien qui revendique avec fougue son statut de déshérité et son combat politique. En 1969, Jean-Luc Godard filme Rocha dans Vent d'est, une réflexion sur la tentation révolutionnaire.

Au sein de sa génération, Rocha se distingue de ses camarades de lutte, Nelson Pereira dos Santos (Sécheresse, 1963) ou Ruy Guerra (Les Fusils, 1965), par son goût pour le baroque flamboyant. Les années 1970 le voient mener diverses aventures. La première est africaine, avec le tournage au Congo du Lion à sept têtes, une réflexion ambitieuse sur le langage esthétique et politique du cinéma qui emprunte à Brecht et à Godard. La seconde est politique : en 1978, Rocha, rentré au pays après cinq ans d'exil, est candidat au poste de gouverneur de l'Etat de Bahia. Sa défaite le laisse meurtri. Au Festival de Venise en 1980, son Age de la terre est mal accueilli, et le cinéaste dérape en traitant Louis Malle (Lion d'or pour Atlantic City) de " fasciste ". En 1981, Glauber Rocha meurt, à l'âge de 42 ans, laissant derrière lui dix longs métrages et une profusion d'articles et de livres.



Un chant d'espérance et de liberté

"Antonio das Mortes" rend au cinéma sa grandeur et sa magie ", écrivait Yvonne Baby en préambule de sa critique dans " Le Monde " du film de Glauber Rocha, lors de sa projection au Festival de Cannes 1969

Article de Yvonne Baby paru en mai 1969 « Le Monde »

C'est un film étonnant d'inspiration, de liberté, de richesse et de lyrisme. Ce romancero mêlant le sublime au tragique et tenant du drame et de l'opéra, a été le choc du Festival. Choc mais non révélation, car son auteur, le Brésilien Glauber Rocha, nous le connaissions déjà par deux de ses films, Dieu noir et Diable blond et Terre en transe, projetés à Cannes, l'un en 1964 et l'autre en 1967.

Spectacle total, représentation, dramatisation volontairement et justement explosive de la réalité et des mythes du Brésil, Antonio das Mortes est la suite naturelle - et d'une certaine manière la synthèse - du Dieu noir et Diable blond et de Terre en transe. La réflexion de Rocha se fait, cette fois, à partir d'une fable liée à une tradition, à une culture populaire et qui, bien évidemment, éclaire la situation actuelle de l'Amérique latine.

Célèbre " tueur de cangaceiros ", Antonio das Mortes est appelé par le coronel (propriétaire terrien qui règne sur la région) pour réprimer la révolte des beatos, paysans pauvres opprimés du sertao dont le mysticisme primitif est incarné par une femme, " sainte ", partageant leur vie. Autour du coronel aveugle et guidé par son valet espion Batista, il y a sa femme, un prêtre, un commissaire de police, un professeur que le désenchantement et la lâcheté conduisent à l'alcoolisme. Parmi les beatos, un homme jeune, ardent, Coirana, tente de prendre la tête du soulèvement pour continuer le combat du chef cangaceiro Lampiao, mort héroïquement.

Antonio das Mortes devra donc tuer Coirana, de même qu'il avait assassiné Lampiao. Ce qu'il fera, au cours d'un duel scandé par les battements de mains et les chants (la macumba) des paysans intervenant en quelque sorte comme les choeurs d'une tragédie. " Le jour où Coirana viendra finira l'obéissance, et s'il meurt le reste du peuple mourra de misère ", disent les " beatos " que rejoindra bientôt Antonio das Mortes à la suite d'une crise personnelle et d'événements sanglants.

Ce chevalier au service du pouvoir et d'une cause, au fond, perdue, ce solitaire en cape, chapeau et bottes sombres, dont la massive silhouette qui se profile à l'horizon du sertao hantera longtemps notre mémoire, n'accepte plus les injustices, les humiliations, les souffrances et, de l'autre côté, la corruption et la cruauté. Il va vers le camp où sa conscience l'entraîne, il se désolidarise complètement de la répression qu'organise le coronel avec le soutien de tueurs. Il porte lui-même le corps de Coirana - les bras en croix contre un arbre, le cangaceiro évoque le Christ - et au massacre des paysans, il répond par les armes (...) pour venger ses nouveaux compagnons. Puis, toujours seul, il reprend la route où il croise - signes de la " civilisation " - les camions, les voitures, les autocars. Derrière lui, il a laissé l'unique survivant des beatos, un Noir qui, à cheval avec la " sainte " (l'image est saisissante), est conduit par le prêtre portant un fusil en bandoulière.

Dans O Dragão da maldade contra o santo guerreiro (" Le Dragon de la méchanceté contre le saint guerrier ", titre original d'Antonio das Mortes), le guerrier, c'est le Noir ; Rocha s'étant inspiré du mythe de saint Georges, très populaire au Brésil.

Cinéma d'action autant que de stylisation - ainsi l'exigent toute épopée, toute légende - ce film émeut et captive par sa beauté, par sa force. Et si la couleur est si importante, c'est qu'elle a un rôle actif, indépendamment de sa fonction esthétique. On pourrait dire que le blanc de la pureté (la " sainte ") contraste avec le noir de la tragédie et avec le rouge de la violence, cette violence qui pourrait choquer certains mais qui, traditionnellement, existe dans ce pays. De plus, ce qui frappe, c'est qu'ici le sang nous donne le sentiment du vrai et que la rébellion, dans son anarchie, sa sauvagerie, exprime un désir de changement social, politique, historique. Car Antonio das Mortes est, pour tout un peuple, un chant d'espérance et de liberté.



La guerre sans fin

Article de Cyril Béghin paru dans les « Cahiers du cinéma »
A lire : Le Siècle du cinéma, de Glauber Rocha, ed. Yellow Now

" Ici explose la guerre sans fin ", dit lentement la sainte du peuple, en robe blanche, à Antonio das Mortes, le tueur de cangaceiros. Cette vierge oracle parle d'un combat qui n'en finit pas de reprendre, celui du Dragão da maldade contra o santo guerreiro, du " Dragon de la méchanceté contre le saint guerrier ", comme l'annonce le titre original : lutte d'un peuple exsangue face à ceux qui les accablent, et ici, dans le contexte brésilien, lutte de la paysannerie, défendue par les cangaceiros, face aux propriétaires terriens et leurs tueurs à gages. Mais elle parle tout autant du film, litanie tonitruante, paysage rude planté d'oriflammes, explosante infinie qui alterne de longues plages aussi silencieuses et hiératiques que les plaines du Nordeste avec de violents tumultes chromatiques (c'est le premier film en couleur de Glauber Rocha) et sonores (les balades de Sergio Ricardo y côtoient la modernité du compositeur Marlos Nobre).

Et la sainte se fait aussi, enfin, la voix de la destinée mythique d'Antonio das Mortes, personnage créé par Rocha dans Le Dieu noir et le Diable blond (1964), mais que l'histoire n'a pas voulu abandonner à ce seul film. Antonio lui-même, masse brute en long manteau, ralenti, assombri, est comme stupéfait de se retrouver à nouveau là, fusil en main, à devoir encore tuer un cangaceiro - il pensait que le diable blond était " le dernier ", et que les temps avaient changé. Or les temps ne changent jamais tout à fait chez Rocha, comme le prouvera en 1980 le grand carnaval archaïque et le titre même de son dernier film : L'Age de la terre. Les mythes sont plus vieux que l'humanité et, " comme pour les frères Lumière, le Cinema Novo commence à chaque film de zéro, balbutiant un alphabet brutal qui signifie tragiquement : "civilisation sous-développée" " (Rocha dans son livre Revoluçao do Cinema Novo).

La guerre sans fin, c'est aussi l'agonie interminable du cangaceiro Coirana, qui, une fois éventré par Antonio das Mortes, passe d'une place de village à l'anfractuosité gigantesque d'une montagne, puis de cette montagne à l'étendue aride du sertão. Trois lieux où miroitent les trois faces du puissant style syncrétique de Rocha, constante alternance entre la distanciation théâtrale, la précision chorégraphique de longs plans-séquences, la sauvagerie ou l'extase de rituels et de défilés saisis par une caméra mouvante et un montage abrupt.

S'il est parfois brutal, l'alphabet de Rocha est donc singulièrement riche. Le théâtre sur la place du village ou dans la nature, l'hubris populaire dans la rue ou la montagne, la mise en scène moderne, avec ses espaces vides et ses temporalités élastiques, en plein sertão ou dans la maison du coronel : Antonio das Mortes emporte tout cela dans un seul grand mouvement génial, triomphe d'hybridation qui marque à la fois un aboutissement et une renaissance dans l'oeuvre de Rocha.

L'agonie de Coirana traverse, sans ostentation, toute la diversité des mises en scène, parce qu'elle détient le secret de la rupture du cinéaste : les films suivants de Rocha, du méconnu Cancer (1968-1972) à L'Age de la terre, en passant par Claro (1975) ou le sublime court-métrage Di Cavalcanti (1977), seront parmi les plus libres du cinéma des années 1970. S'exilant du Brésil dictatorial et appliquant son programme d'un " cinéma tricontinental ", il travaille à Cuba, au Congo, en Espagne, en Italie, et semble rendre dans chacun de ses nouveaux films des hommages à ses cinéastes frères ou oncles : Buñuel, Pasolini, Godard, dont il intègre et recycle les imageries ou les lieux à l'intérieur de son propre style.

Rocha dévore le cinéma, et, simultanément, Antonio das Mortes voyage avec lui à travers les films : le western italien reprend sa silhouette (Sergio Leone l'a retenu du Dieu noir), Fassbinder lui rend hommage (un sosie allemand dans Le Voyage à Niklashausen, en 1970). Ainsi Antonio das Mortes est, pendant quelque temps, devenu un mythe au-delà du film, portant la guerre sans fin partout où passait son image, tandis que le guerrier Rocha se battait sur tous les fronts du cinéma.
^^

Vidéo non disponible


Extrait : Antonio das Mortes (1969) Glauber Rocha




On the Waterfront | Sur les Quais | Elia Kazan | 1954


Titre original : On the Waterfront | Sur les quais

Réalisation : Elia Kazan

Acteurs principaux : Marlon Brando (Terry Malloy), Karl Malden (Père Barry), Eva Marie Saint (Edie Doyle), Lee J. Cobb (Johnny Friendly), Rod Steiger (Charley 'Monsieur' Malloy), Pat Henning (Timothy J. 'Kayo' Dugan), Leif Erickson (Glover, de la Commission criminelle), James Westerfield (Big Mac, le patron du quai), John F. Hamilton ('Pop' Doyle (sous le nom John Hamilton))...

Scénario : Budd Schulberg

Costumes : Anna Hill Johnstone, Flo Transfield

Photographie : Boris Kaufman

Montage : Gene Milford

Musique : Leonard Bernstein

Production : Sam Spiegel

Société(s) de production : Columbia Pictures, Horizon Pictures

Société(s) de distribution Columbia Pictures

Pays d’origine : États-Unis

Durée : 108 minutes (1 h 48)

Sortie : 28 juillet 1954






Elia Kazan

Roi de Broadway et prince d'Hollywood, Elia Kazan est au sommet de la gloire quand, un jour de 1952, il devient un "témoin amical" de la Commission des activités antiaméricaines (HUAC) et donne les noms de dix anciens camarades du Parti communiste. Acte de délation qui fait basculer sa vie comme sa carrière. Hanté par la culpabilité, Kazan abandonne les films "à sujet", sa spécialité, et se lance dans une oeuvre intime et bouleversante qui marque de façon indélébile une génération de cinéastes surdoués, de Martin Scorsese à Francis Ford Coppola.

1909 Naissance d'Elia Kazanjioglou à Constantinople (Turquie) dans une famille grecque d'Anatolie.

1913 Arrivée à New Rochelle, dans l'Etat de New York.

1934-1936 Membre du Parti communiste. Fondation du Group Theater, qui deviendra l'Actors Studio.

1947-1948 Création à Broadway de Mort d'un commis voyageur, d'Arthur Miller, et d'Un tramway nommé Désir, de Tennessee Williams. Oscar du meilleur réalisateur pour Le Mur invisible.

1951 Un tramway nommé Désir, quatre Oscars d'interprétation.

1954 Sur les quais, huit Oscars.


1955 A l'est d'Eden.

1956 Baby Doll.

1960 Le Fleuve sauvage.

1961 La Fièvre dans le sang.

1963 America America.

1969 L'Arrangement.

1972 Les Visiteurs.

1976 Le Dernier Nabab.

2003 Mort à New York.



Sur les quais


LE TALENT D'ELIA KAZAN ATTEINT ICI SA PLÉNITUDE

C'est un vrai film. Un film qui redonne confiance. Un film qui prouve que le cinéma est un moyen d'expression irremplaçable, un art dont les qualités spécifiques n'appartiennent ni au roman, ni au théâtre. Seul le cinéma pouvait atteindre à ce mélange de souplesse et de rigueur dans la conduite du récit ; à cette alliance d'esthétisme et de réalisme dans l'évocation de la vie ; surtout à cet étrange pouvoir d'envoûtement qui finit par peser sur les spectateurs... Sur les quais est, en effet, un film qui envoûte. S'il existe une sorcellerie de l'écran, ne doutons pas qu'Elia Kazan en connaît les secrets. (...)

Des dockers sont soumis aux lois d'un gang de l'embauche contre lequel ils n'osent se révolter. Devant l'oppression ils restent "D and D", deaf and dumb, c'est-à-dire sourds et muets. Et quand l'un d'eux ose dire ce qu'il sait, le gang aussitôt le supprime... Au moment où commence le film, un ouvrier vient d'être assassiné. Parmi les hommes qui ont pris part au meurtre se trouve un ancien boxeur dévoyé, que la paresse et le vice ont transformé en une petite gouape sauvage, entièrement livrée à ses instincts. Mais, au fond de cet être perdu, la conscience n'est pas tout à fait morte. (...)

Le thème du film est donc celui de la lutte contre les forces du mal. Thème qui se dédouble en passant tour à tour du plan particulier au plan général, mais qui ne cesse de garder son unité interne : c'est en définitive parce que le héros se repent de ses fautes que les dockers sont délivrés de l'oppression du gang. La justice ne triomphe (...) qu'avec le secours de la morale la plus traditionnelle. Comme, d'autre part, ce revirement psychologique du personnage incarné par Brando est provoqué par l'amour d'une jeune fille vertueuse et pure, on en arrive à se demander si Sur les quais n'est pas autre chose qu'un bon drame romantique accommodé à la sauce moderne. (...) Tout cela enlève un peu de résonance à l'ouvrage. Et derrière le film existant on ne peut s'empêcher d'imaginer le film dont Kazan a sans doute rêvé et qu'il s'est interdit de faire.



Cette réserve sur le fond n'altère en rien notre admiration pour les qualités formelles de On the Waterfront. Le talent d'Elia Kazan atteint ici sa plénitude. Il nous plonge d'abord dans un univers étouffant et brutal ; puis à mesure que son héros découvre la pureté, la tendresse, ses images s'éclairent et se prolongent vers le ciel et la mer. Le drame personnel du jeune gangster est d'ailleurs évoqué avec une puissance et une pudeur admirables. Nous suivons avec émotion la pathétique aventure de cette âme enfouie dans la boue et renaissant soudain à la lumière. Kazan nous prouve en maître que le cinéma peut être un extraordinaire instrument de description psychologique. (...)

Et Marlon Brando est réellement un très grand comédien. Il faut avoir vu ce visage tuméfié, abruti par les coups et la misère, retrouvant le temps d'un sourire une sorte d'innocence enfantine. (...)

Jean de Baroncelli - Le Monde du 19 janvier 1955




KAZAN, EN RUPTURE

"SUR LES QUAIS" MARQUE UN TOURNANT DANS LA CARRIÈRE DU CINÉASTE

Dans une des premières pièces d'Arthur Miller, Ils étaient tous mes fils, créée à Broadway en 1947 dans une mise en scène d'Elia Kazan, on trouve cet échange entre Mr Keller, patron de sa propre entreprise, et son fils Chris, qui rechigne à prendre sa suite : Chris " J'ai été un bon fils trop longtemps, une bonne poire. C'est fini. " Keller : " Mais tu as une affaire ici, qu'est-ce que tu racontes ? " - " L'affaire ! L'affaire ne m'inspire pas ! " - " Il faut que ça t'inspire ? "

" Il faut que ça t'inspire ? " avait demandé, sarcastique, George Kazanjioglou à son fils Elia, qui voulait devenir acteur au lieu de se vouer corps et âme au commerce des tapis. " Il faut que ça t'inspire ? " interrogeait Isidore Miller, qui possédait, avant le désastre de 1929, une entreprise de confection de vêtements et se trouvait bien démuni face aux aspirations artistiques de son fils. Tout est dit de ce qui lie Elia Kazan et Arthur Miller : cette douleur du fils incompris, qui a osé tracer son chemin loin de " l'affaire " familiale, mais ne s'est jamais vraiment remis d'avoir déçu les attentes paternelles.



Après la création de Mort d'un commis voyageur, Miller et Kazan décident d'écrire ensemble pour le cinéma. Leur sujet ? La tragédie des dockers. On est en pleine chasse aux sorcières, et Kazan choisit de donner des noms. Miller refuse alors tout contact avec son " frère jumeau " et transforme leur projet commun en pièce. Vu du pont (1955) raconte comment un docker dénonce à l'immigration un Sicilien dont sa fille est amoureuse. Amour filial meurtri, vengeance assouvie par la dénonciation : on retrouve ces thèmes dans Sur les quais, que Kazan écrit avec un autre " donneur de noms ", le romancier Budd Schulberg.

LÂCHETÉ OU COURAGE
Miller dénonce la lâcheté de la délation ; Kazan la transforme en courageuse dénonciation. Son Terry Malloy (Marlon Brando), ancien boxeur devenu l'homme à tout faire du mafieux Friendly, décide d'aider la justice. " Je suis content de l'avoir fait ! ", hurle-t-il, et c'est Kazan qui crie avec lui. En confiant le rôle de Friendly - comme un père pour Terry l'orphelin - à Lee J. Cobb, l'interprète du commis voyageur, Kazan révèle la parenté secrète de son film avec le théâtre de Miller.



La tragédie de Terry, c'est d'avoir dû se soumettre trop longtemps à ses deux pères de substitution, Friendly et son frère Charley (Rod Steiger) qui l'a contraint à sacrifier sa carrière de boxeur. En fondant ses grands thèmes pour en faire le drame d'un seul homme, Elia Kazan signe un film magnifique, dur et lyrique.

En 1980, Martin Scorsese proposera une véritable relecture de Sur les quais avec Raging Bull, l'histoire en noir et blanc d'un boxeur épris d'une blonde, trop chic pour lui, et qui plonge dans la déchéance parce que son frère mafieux a truqué l'un de ses matches... Jake LaMotta (Robert De Niro) est un véritable double de Terry Malloy. Le film se clôt sur le monologue de Brando dans la magnifique scène du taxi : " J'aurais pu être quelqu'un de bien, j'aurais pu être un champion au lieu d'un bon à rien... "

Florence Colombani - Le Monde




Bande Annonce VOSTF : On the Waterfront | Sur les Quais (1954) Elia Kazan

Traité de Bave et d'Eternité | Venom and Eternity | Isidore Isou | 1951

Traité de bave et d’éternité | Venom and Eternity.

Réalisation : Isidore Isou

Film ciselant en n. et b. 35m/m, sonore.120’.

Avec : Marcel Achard, Jean-Louis Barrault, Blaise Cendrars, Jean Cocteau, Danièle Delorme, Daniel Gélin...

Production Marc Gilbert Guillaumin. Présenté le 5 juin 1951 au cinéma Alexandra.




Le Manifeste Du Cinéma Lettriste

"Traité de bave et d'éternité", d'Isidore Isou, prix de l'avant-garde à Cannes en 1951

Isidore Isou est un Roumain débarqué à Paris en 1946. Il a lancé alors un nouveau mouvement appelé le Lettrisme, manifeste pour une poésie phonétique. Cheveux coiffés très rock, au gel, ce jeune conquérant s'en prend aux gardiens du temple littéraire (Gide, Paulhan, Breton), et jette les bases d'une révolte de la jeunesse qui préfigure le situationnisme.

En 1951, résolu à révolutionner l'expression artistique, il lance un Manifeste du cinéma discrépant dans lequel il prône la disjonction entre son et image, et réalise ce film légendaire [...]. Ce "traité" esthétique fut projeté au Festival de Cannes où un jury improvisé, composé de Jean Cocteau, Raf Vallone et Curzio Malaparte, lui décerna le Prix de l'avant-garde créé pour l'occasion. Il décrocha une critique dans les Cahiers du cinéma, signée Maurice Schérer (alias Eric Rohmer), qui vantait en particulier sa manière de filmer le quartier de Saint-Germain-des-Prés.




Des images nouvelle vague

Annonçant le cinéma de Guy Debord et celui de Jean-Luc Godard, ce film manifeste dans lequel des images très Nouvelle Vague sont accompagnées d'un texte très littéraire (logorrhée verbale sur l'amour et la révolte) est, on le redécouvre, beaucoup moins provocateur qu'on l'a dit, en dépit des plans montés tête en bas et des graphismes ciselés à même la pellicule. Agressif ("Je voudrais vous donner des névralgies"), disciple de Lautréamont, ce montage de documents hétéroclites où l'on reconnaît les "têtes pensantes" de l'époque (Marcel Achard, Jean-Louis Barrault, Armand Salacrou, Blaise Cendrars...) est plus que visible : c'est un vrai film d'auteur, poétique, fulgurant.

Article - Jean-Luc Douin - Le Monde







Extrait : Traité de Bave et d'Eternité | Venom and Eternity (1951) Isidore Isou


Patrick Dewaere | Interview | 1982


Dernière interview (En 3 parties) que Patrick Dewaere donna le 13 juillet 1982, chez lui, Impasse du Moulin Vert, à Paris, au journaliste Canadien Michel Jasmin.


















Interview de Patrick DEWAERE 1ere Partie (Durée : 7m 34s)





Interview de Patrick DEWAERE 2eme Partie (Durée : 7m 13s)





Interview de Patrick DEWAERE 3eme Partie (Durée : 4m 04s)




Le journaliste Michel Pascal interview le réalisateur Alain Corneau | Hommage à Patrick Dewaere.


Patrick Dewaere | Interview Alain Corneau | Hommage (Durée : 3m 47s)


Raging Bull | 1980 | Martin Scorsese


Titre Original : Raging Bull


Réalisation : Martin Scorsese

Scénario : Paul Schrader, Mardik Martin

Photographie : Michael Chapman

Production : Robert Chartoff, Irwin Winkler

Société(s) de distribution : United Artists

Pays : États-Unis

Durée : 2h09



Avec Robert De Niro (Jake La Motta), Joe Pesci (Joey La Motta), Cathy Moriarty (Vickie La Motta), Frank Vincent (Salvy), Nicholas Colasanto (Tommy Como)...

Informations Livret DVD :
L’hésitation de Martin Scorsese
Sans grande conviction, Martin Scorsese suggère quelques idées, A un moment, il est même envisagé d'adapter le livre au théâtre, puis d'en faire un film intitulé "Prize Fighter"', L’idée était de tourner La journée et de donner des représentations théâtrales le soir, Aussi cocasse que cela puisse paraître, celle approche n'est pas totalement inédite, Les Marx Brothers ont en effet joué "Une nuit à L'opéra" et "Un jour aux courses" sur scène, afin de les tester sur le public, Mais même les Marx Brothers n'avaient pas l'énergie suffisante pour affronter un tournage et une représentation théâtrale la même journée.


Pour ses recherches, Scorsese assiste à quelques combats de boxe et en retire plusieurs images clés (le sang coulant le long des cordes et aussi sur l'éponge), mais ne parvient toujours pas à s'investir dans le projet. Le scénariste se retrouve donc sans aucune directive. D'ailleurs, Scorsese ne lit les premiers jets que lorsque De Niro l'y oblige. A ce stade, le scénario n'est basé que sur quelques recherches et des centaines d'interviews, toutes plus contradictoires les unes que les autres, A cause de l'hésitation de Scorsese, l'histoire est complètement décousue. Un peu dans le style du film "Rashomon", qui offrait plusieurs versions d'une même scène du point de vue de différents personnages. Une fois de plus, le projet patauge et Scorsese se lance dans la réalisation de "The Last Waltz". Ce n'est que lorsque sa santé prend une tournure presque fatale que le réalisateur commence à se concentrer sérieusement sur le film. De Niro et Scorcese contactent alors Paul Schrader, le scénariste de "Taxi Driver". Seulement, Schrader vient de faire ses débuts de réalisateur avec "Hardcore" et considère qu'être engagé en qualité de scénariste constitue un retour en arrière. Mais pour leur rendre service, il accepte, avec peu d'enthousiasme, de reprendre le scénario.


Schrader transforme radicalement la structure du scénario. Alors que celui de Scorsese montrait les débuts de Jake La Motta et son passage en maison de correction, le scénario de Schrader commence en 1964 avec, sur le ring, un La Motta bouffi avant de couper en 1941 et sa première défaite. Le scénario est sombre et n'offre aucun compromis. Même De Niro est troublé par la franche sexualité du film. La réaction de United Artists est unanimement négative.




Une Décision Partagée
Ayant à faire face à la menace de restructuration, voire de vente, qui pèse sur elle, la compagnie United Artists se doit de faire bonne figure. Ce n'est pas le moment pour elle de prendre des risques. D'ailleurs, les dirigeants du studio ne cachent pas leur contestation face au projet. La lecture du scénario de Paul Schrader les scandalise. Et lorsqu'ils apprennent que Scorsese souhaite tourner le film en noir et blanc, ils sont horrifiés. A celle époque, le studio se remet à peine de l'échec commercial de "New York, New York". La tentative ambitieuse de Scorsese de situer un drame amoureux dans le milieu des comédies musicales du Hollywood des années 40 s'est avéré être une grosse déception. Le tournage s'était éternisé. De plus, d'incessantes réécritures du scénario ainsi que des improvisations, avaient eu pour résultat d'énormes coupures dans la scène d'ouverture.

Nuances De Gris
Durant la préproduction, Scorsese et le chef opérateur Michael Chapman filment la séquence de film amateur en couleur, Ils remarquent que les couleurs très vives détonnent avec les images mais Scorsese pense que tourner en noir et blanc est trop prétentieux.


Cependant, la décision de tourner en noir et blanc est bien plus qu'une lubie de la part du réalisateur, "J'ai basé le film, de manière très spécifique, sur des photographes de Life Magazine des années 40 et en particulier Weegee", explique Chapman, "C'est comme ça que les gens de ma génération, et celle de Marty, se souviennent des combats, Ils s'en souviennent comme de grandes photos dans Life, Tous les souvenirs de Jake La Motta sont en noir et blanc".


Mais des problèmes purement techniques restent à résoudre. En 1979, peu de laboratoires développent du noir et blanc (ironiquement, le film est développé en Technicolor). De plus, une pénurie de nitrate d'argent entraîne une diminution du stock de films noir et blanc, donc un coût bien supérieur à la couleur. Le chef opérateur n'a jamais tourné en noir et blanc. Les scènes d'intérieur lui posent problème. Dans les appartements du Bronx, les plafonds très bas et le manque d'espace rendent difficile l'utilisation de lumière supplémentaire, indispensable au noir et blanc.


Dans le souci de respecter l'emploi du temps, deux styles d'éclairage sont alors adoptés. La vie de Jake hors du ring est tournée à New York selon un style simple, quasi-documentaire. Celle qui est sur le ring, quant à elle, est tournée entièrement dans les studios de Los Angeles, dans un style ultra sophistiqué.


Danse Macabre
Martin Scorsese n'aime pas du tout la manière dont sont filmés les combats dans les films de boxe, car pour lui, ils adoptent le point de vue du spectateur et isolent le public de la brutalité du spectacle. En s'inspirant de "Body and soul", où le légendaire réalisateur James Wong Howe filmait caméra à l'épaule et chaussé de patins à roulettes afin d'être au plus près de l'action, Scorsese est décidé à entrer sur le ring et faire ressentir au public chaque coup de poing, "Je voulais faire les scènes de combat en mettant les spectateurs à la place du boxeur, qu'ils ressentent les mêmes impressions, qu'ils sachent ce qu'il pense, ce qu'il ressent, ce qu'il entend. Je voulais que chaque coup soit ressenti".


Durant la totalité du tournage, le mantra de Scorsese était "rester sur le ring".


"On tournait presque toujours à l'intérieur des cordes" se souvient Chapman. Décrivant les scènes de combats minutieusement chorégraphiées. "Il y a de larges mouvements de grues qui se faufilent à travers les cordes qui montent et qui descendent. C'est filmé comme une danse Mais en même temps, ils se battent vraiment sur un ring de taille réglementaire avec autour d'eux une Dolly, une caméra, des perches et tout le monde qui se bouscule, C'est à la fois très élaboré et complètement abstrait".


Dans le film, le son est aussi important que les images. Scorsese passe 6 mois à mixer le film, A l'instar des images, il adopte une approche différente selon les séquences montrant Jake La Motta sur ou hors du ring, Les scènes de combat sont enregistrées en Dolby Stéréo avec des effets sonores accentués de manière parfois animale tout en faisant également usage d'un silence frappant, Quant aux dialogues, ils sont enregistrés normalement afin d'appuyer la concentration de Jake sur le ring.


Le Taureau Du Bronx
Pour les scènes de combat, Robert De Niro s'entraîne intensivement pendant 18 mois. Ensuite, le tournage est interrompu pendant quatre mois afin que l'acteur puisse prendre les 30 kilos supplémentaires nécessaires pour la dernière partie du film. A ce titre, Scorsese est si inquiet de la prise de poids de De Niro qu’ïl ramène la durée du tournage de 17 à 10 jours. "Bobby avait pris tellement de poids qu’il respirait comme moi lorsque je fais une crise d'asthme", se souvient Scorsese. "Avec le poids qu’ïl a pris, il n'était pas question de faire 30 ou 40 prises. Trois ou quatre, pas plus. Le corps de Bobby lui disait quoi faire. Et il est tout naturellement devenu une autre personne".


Les inquiétudes de Martin Scorsese quant à la santé de Robert De Niro n'étaient pas fondées. Mais par contre, la santé du réalisateur restait mauvaise durant la totalité du tournage. Et lorsqu’ïl tomba à nouveau malade, la scène de la réception du mariage du être filmée par son père, Charles Scorsese, Bien qu’ïl ne soit pas un réalisateur professionnel, Scorsese Senior savait exactement quoi faire et pour cause, la scène était inspirée de son propre mariage.


Répugnant Et Détestable
Le studio, loin d'être convaincu par le film, tente tout au long de la période de post-production de revendre le film à une autre compagnie. En vain, Le film met mal à l'aise. Steven Spielberg compare cette gêne, provoquée par les scènes de violences domestiques, à celle qui consiste à regarder par la porte ouverte de ses voisins et y surprendre une dispute, tout en sachant qu'on ne devrait pas être Là.


Il devient très vite évident que le film n'est pas du tout commercial, Le studio concentre alors ses efforts de marketing sur les 36 millions de dollars de "La Porte du paradis".


La critique américaine est nettement plus impressionnée par la performance de Robert De Niro que par le film lui-même, Variety décrit Le film en précisant que "Martin Scorsese fait des films sur des gens que l'on ne voudrait pas connaître", Les critiques trouvent les scènes de combat remarquables mais considèrent Jake La Motta comme "l'un des répugnants et détestables protagonistes de l'histoire du cinéma." Ils écrivent également que le film tente délibérément d'aliéner Le public. Néanmoins, partout ailleurs, les réactions sont unanimes, "C'est le meilleur film de l'année". Mais ce n'est toujours pas suffisant.


Les huit nominations aux Oscars semblent être une consolation, Meilleur film, meilleur réalisateur (Martin Scorsese), meilleur acteur (Robert De Niro), meilleur second rôle (Joe Pesci), meilleur second rôle féminin (Cathy Moriarty), meilleure photo (Michael Chapman), meilleur son et meilleur montage (Thelma Schoonmaker).


Mais la cérémonie des Oscars s'avère être une déception, Pour la première de son histoire, la cérémonie est annulée lorsque John Hindley tire sur le président Reagan, Bien que les rapports avec "Taxi Driver" aient été faits trop tard pour affecter le vote, Scorsese est escorté par deux agents du FBI vers la sortie avant même l'annonce du meilleur film, Ils lui disent que "De toute, façon, c'est le film de Robert Redford « Ordinary People » qui va gagner", Robert De Niro gagne son premier Oscar et Thelma Schoonmaker remporte celui du meilleur montage, Scorsese quant à lui, rentre les mains vides.


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Trailer VO Raging Bull (1980) Martin Scorsese

Ladri di Biciclette | Le Voleur de bicyclette | Vittorio de Sica | 1948

Vittorio De Sica : Un artiste sensible et lucide

Article de Florence Colombani
paru dans l'édition Le Monde

D'un côté, un colleur d'affiches, à la recherche de sa bicyclette volée dans l'Italie sinistrée de l'après-guerre. De l'autre, un séducteur en costume clair, sourire charmeur au coin des lèvres. Difficile d'imaginer deux hommes plus différents qu'Antonio Ricci, le héros du Voleur de bicyclette, et son créateur, Vittorio De Sica.


Né dans un milieu modeste à l'orée du siècle, Vittorio De Sica grandit à Naples. Célèbre dès les années 1920, il est une sorte de Jean-Pierre Aumont transalpin, à l'aise dans un registre léger, capable de profondeur à l'occasion, lorsque Max Ophuls (Madame de...) ou Roberto Rossellini (Le Général Della Rovere ) sont derrière la caméra.





Comme cinéaste, De Sica est un artiste rare, dont la sensibilité humaniste va de pair avec une lucidité cruelle. « L'expérience de la guerre fut déterminante pour nous tous. Chacun ressentit le désir fou de balancer toutes les vieilles histoires du cinéma italien, de planter la caméra au milieu de la vie réelle, au milieu de tout ce qui frappait nos yeux atterrés », écrit-il en 1960, jetant un regard rétrospectif sur sa participation au mouvement néo-réaliste (cité par Jean A. Gili dans Cinéma italien, éd. de La Martinière).


Au milieu de la seconde guerre mondiale, De Sica passe à la réalisation. Quelques comédies insouciantes, puis c'est la rencontre avec son scénariste fétiche, Cesare Zavattini. Dans leur première collaboration, Les enfants nous regardent, ils font d'un petit garçon dont les parents se déchirent l'incarnation poignante d'une Italie maltraitée par le pouvoir. Délicatesse du regard, peinture d'une solitude existentielle et d'un désarroi social : les qualités de l'oeuvre à venir sont déjà là.


A la même époque, le monteur Mario Serandrei emploie pour la première fois le mot « néo-réaliste » pour qualifier Ossessione, de Luchino Visconti. Roberto Rossellini s'apprête à révéler crûment la violence de Rome ville ouverte. De Sica s'inscrit dans cette quête de vérité. Il conçoit un cinéma dépouillé de ses artifices les plus voyants (décors, comédiens professionnels), un cinéma de la rue. Ce qui ne signifie nullement un abandon de la fiction.


Le cinéaste raconte toujours des histoires, et même des fables. Il rencontre ainsi le succès international : le Grand Prix et le Prix international de la critique à Cannes, en 1951, pour son utopique Miracle à Milan, et quelques Oscars, notamment pour le douloureux Sciuscia, pour Le Voleur de bicyclette ou encore Le Jardin des Finzi-Contini. Si le pouvoir lui reproche volontiers de donner une image trop noire de l'Italie, il jouit de l'affection indéfectible du public.


Poursuivi par la censure, il doit renoncer à un projet sur la prostitution enfantine à Naples, et se tourne vers des sujets moins controversés, magnifiant la beauté de Sophia Loren ( La Ciociara ) et de Jennifer Jones ( Stazione Termini ). L'un de ses derniers films, Le Jardin des Finzi-Contini, d'après le roman de Bassani, tourné quatre ans avant sa mort à Paris en 1974, a une élégance mélancolique qui lui ressemble.


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Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette) de Vittorio de Sica


Titre Original : Ladri di biciclette

Titre Français : Le Voleur de Bicyclette

Année : 1948

Pays : Italie

Type : Drame - Durée : 1h33

Réalisation : Vittorio de Sica

Avec Lamberto Maggiorani (Antonio Ricci), Enzo Staiola (Bruno), Lianella Carell (Maria), Gino Saltamerenda (Baiocco), Vittorio Antonucci (le voleur)...


Article d’Amédée Ayfre des Cahiers du cinéma
paru dans l'édition Le Monde 09.01.05

A propos du « Voleur de bicyclette », les « Cahiers du cinéma » écrivaient, en 1952, que Vittorio De Sica et son coscénariste Cesare Zavattini avaient mis de longs mois à écrire un récit pour finir par faire croire qu'il n'existait pas.


Cet homme à la recherche de son vélo n'est pas seulement un ouvrier, un homme qui aime son fils, qui désespéré tente de voler une autre machine et qui finalement représente la détresse du prolétariat réduit à se voler ses instruments de travail.


Il est tout cela et une foule d'autres choses encore, indéfiniment analysables, justement parce que, d'abord, il est, et pas isolément, mais avec tout un bloc de réalité autour de lui, et dans ce bloc des traces de la présence de l'univers : les copains, l'église, les séminaristes allemands, Rita Hayworth sur son affiche, et tout cela ne constitue pas seulement un décor, mais "existe" presque sur le même plan.


Ne faut-il pas infiniment d'art pour organiser un récit, monter une mise en scène, diriger des acteurs, en donnant finalement l'impression qu'il n'y a ni récit, ni mise en scène, ni acteurs ? Autrement dit, nous avons affaire ici encore à un réalisme second, synthèse du documentarisme et du vérisme.


Avec celui-ci on reconnaît que l'idéal du premier ne peut être atteint sans un détour, mais avec celui-là on ne croit pas que ce détour doive consister en une stylisation de l'événement. L'illusion esthétique parfaite de la réalité ne peut résulter que d'une ascèse prodigieuse des moyens, où il y a en fin de compte plus d'art que dans tous les expressionnismes ou les constructivismes.


Ascèse d'abord du scénario. Il ne s'agit plus seulement d'un scénario bien construit, selon une impeccable logique dramatique, avec des contrepoints psychologiques subtils. Ce n'est pas d'architecture qu'il s'agit, c'est d'existence. Si en quelque domaine l'artiste mérite le nom divin de créateur, c'est bien ici. Aussi pour cela n'est-il presque jamais seul.


Les équipes de scénaristes italiens sont célèbres. On a voulu n'y voir que souci publicitaire, mais il y a plus profond, ce sentiment de l'infinie richesse de l'être qu'un homme seul ne pourrait jamais parvenir à évoquer. Zavattini et De Sica ont travaillé pendant des mois le scénario du Voleur de bicyclette pour finir par faire croire qu'il n'y en avait pas.


Cette ascèse du scénario se complète par une ascèse de la mise en scène et une ascèse des acteurs qui nécessitent toujours des suppléments d'artifices pour faire par exemple que, dans les tournages en extérieur, l'introduction d'une caméra et sa manipulation n'entraînent aucune perturbation apparente, ou pour que l'ouvrier et son fils ne tiennent pas plus un rôle que leur vélo.


Dans le réalisme phénoménologique, l'art se pose donc dans l'acte même par lequel il cherche à se détruire. Mais de cela, il est parfaitement conscient, et il en fait la charte même de sa légitimité esthétique. En même temps que sa définition, si l'on ajoute que chez lui tout est tourné à produire une densité d'être, qui est, selon un mot plus vieux que Sartre, la seule vraie mesure de la beauté.





Extrait : Ladri di Biciclette | Le Voleur de bicyclette (1948) Vittorio de Sica