BOX _ FB

RECHERCHE PAR ANNEES - REALISATEURS

NAME : Satyajit Ray  |  Andrei Tarkovski  |  Thomas Vinterberg  |  Sergei Mikhailovitch Eisenstein  |  Wim Wenders  |  Jim Jarmusch  |  Jean-Luc Godard  |  Orson Welles  |  David Lynch  |  Wong Kar Wai  |  Isidore Isou  |  Martin Scorsese  |  Ettore Scola  |  Clyde Bruckman  |  Buster Keaton  |  Vittorio de Sica  |  John Huston  |  Francis Ford Coppola  |  Elia Kazan  |  Terry Gilliam  |  Brian de Palma  |  Dino Risi  |  Michael Curtiz  |  Kim Ki-Duk  |  Stanley Kubrick  |  Charlie Chaplin  |  Darren Aronofsky  |  Arthur Penn  |  Sylvain Chomet  |  Stanley Donen  |  Gene Kelly  |  Glauber Rocha  |  Mathieu Kassovitz  |  Henri-Georges Clouzot  |  Alain Corneau  |  Alan Parker  |  Marcel Pagnol  |  Marcel Carné  |  John Cassavetes  |  Charles Laughton  |  John Schlesinger  |  Sidney Lumet  |  Ingmar Bergman  |  Francois Truffaut  |  Mario Monicelli  |  Sergio Leone  |  Dalton Trumbo  | 

YEARS : 1925  |  1926  |  1931  |  1938  |  1939  |  1940  |  1941  |  1942  |  1948  |  1949  |  1951  |  1952  |  1953  |  1954  |  1955  |  1962  |  1964  |  1965  |  1966  |  1967  |  1968  |  1969  |  1970  |  1971  |  1974  |  1976  |  1977  |  1979  |  1980  |  1981  |  1982  |  1983  |  1984  |  1985  |  1986  |  1987  |  1990  |  2000  |  2002  |  2003  | 

FILMS : Charulata | Satyajit Ray | 1964 M le Maudit | Fritz Lang | 1931 Festen | Thomas Vinterberg | 1998 Offret | Le Sacrifice | Andrei Tarkovski | 1986 Le Cuirassé Potemkine | S.M. Eisenstein | 1925 Raging Bull | Martin Scorsese | 1980 Brutti Sporchi e Cattivi | Ettore Scola | 1976 The General | Clyde Bruckman, Buster Keaton | 1926 Ladri di Biciclette | Vittorio de Sica | 1948 The Maltese Falcon | John Huston | 1941 Rumble Fish | Francis Ford Coppola | 1983 Les Ailes du Désir | Wim Wenders | 1987 Traité de Bave et d'Eternité | Isidore Isou | 1951 On the Waterfront | Elia Kazan | 1954 Brazil | Terry Gilliam | 1985 Down by Law | Jim Jarmusch | 1986 Alphaville | Jean-Luc Godard | 1965 Scarface | Brian de Palma | 1984 Le Fanfaron | Dino Risi | 1962 Casablanca | Michael Curtiz | 1942 Citizen Kane | Orson Welles | 1941 In Mood For Love | Wong Kar Wai | 2000 Printemps, été, automne, hiver ... et printemps | Kim Ki-Duk | 2003 Dr. Strangelove | Stanley Kubrick | 1964 Third Man | Carol Reed | 1949 The Great Dictator | Charles Chaplin | 1940 Requiem for a Dream | 2000 | Darren Aronofsky Bonnie And Clyde | 1967 | Arthur Penn Les Triplettes de Belleville | 2003 | Sylvain Chomet Singin'in the Rain | 1952 | Stanley Donen et Gene Kelly Antonio das Mortes | Glauber Rocha | 1969 La Haine | 1995 | Mathieu Kassovitz Le Salaire de la peur | 1953 | Henri-Georges Clouzot C'eravamo Tanto Amati | 1974 | Ettore Scola Série Noire | 1979 | Alain Corneau Pink Floyd | Wall | 1982 | Alan Parker A Clockwork Orange | 1971 | Stanley Kubrick La Femme du Boulanger | 1938 | Marcel Pagnol Le Jour se Lève | 1939 | Marcel Carné Hôtel du Nord | 1938 | Marcel Carné Faces | 1968 | John Cassavetes La Nuit du Chasseur | 1955 | Charles Laughton Macadam Cowboy | 1969 | john Schlesinger Douze Hommes en colère | 1957 | Sidney Lumet Fahrenheit 451 | 1966 | Francois Truffaut La Valse des Pantins | 1983 | Martin Scorsese Le Pigeon | 1958 | Mario Monicelli Le Visage | 1957 | Ingmar Bergman Le Beau Serge | 1959 | Claude Chabrol Maarek Hob | 2003 | Danielle Arbid Rosetta | 1998 | Luc et Jean-Pierre Dardenne The Servant | 1963 | Joseph Losey Glenn Ford Quentin Tarantino Shohei Imamura Patrick Dewaere John Cassavetes Il Buono, il Brutto e il Cattivo | The Bad, The Good and The Ugly | Sergio Leone | 1966 Sergio Leone Johnny Got His Gun | Dalton Trumbo | 1971 David Lynch | Rabbits | 2002 David Lynch | Symphony No. 1 : The Dream of the Broken Hearted | 1990 David Lynch | Eraserhead | 1977

Rechercher sur le Blog 7 Art Cinema

Affichage des articles dont le libellé est Russie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Russie. Afficher tous les articles

Le Cuirassé Potemkine | Sergeï Mikhaïlovitch Eisenstein | 1925




LE CUIRASSÉ POTEMKINE (Bronienocets Potiomkine, Battleship Potempkin, URSS, 1925, muet, 70 min).

RÉALISATION : Сергей Михайлович | Sergeï Mikhaïlovitch Eisenstein.

SCÉNARIO : S. M. Eisenstein, Nina Agadzhanova.

PHOTOGRAPHIE : Vladimir Popov, Edouard Tissé.

MONTAGE : S. M. Eisenstein.

PRODUCTION : Goskino/Mosfilm, Jacob Bliokh.

INTERPRÈTES : Alexandre Antonov, Vladimir Barski, Grigori Alexandrov, Beatrice Vitoldi.







La puissance contestataire

Jean-Michel Frodon. Article paru dans l'édition « Le Monde » du 23.01.2005



Il en sera arrivé des avanies, à ce navire de guerre baptisé du nom d'un ministre qui n'a pas laissé un souvenir heureux dans l'histoire. Combats, mauvais traitements et mutinerie à bord, censure et interdiction du film...

La plus grave, paradoxalement, parmi ces avanies est sans doute la plus récente : la gloire, l'inscription au patrimoine de la cinéphilie mondiale l'auront recouvert d'une épaisse couche de rouille honorifique, qui menace d'envoyer par le fond de la ringardise un chef-d'oeuvre vivant, compliqué, inventif et émouvant.

Il faudrait ne rien savoir du film, n'avoir pas entendu la chanson de Ferrat, oublier les images trop célèbres, la poussette, les bottes des soldats sur les marches d'Odessa, le corps du marin Vakoulin-tchouk au bout de la jetée, le lion de pierre qui se dresse et rugit...

Il faudrait juste s'asseoir dans la pénombre et regarder, entrer dans le rythme, les associations, le jeu des grosseurs de cadre et des durées de plan, les élans du graphisme des intertitres en contrepoint de celui des corps individuels et des groupes structurés par leur dynamique plutôt que par leur forme. Ça bouge tout le temps, ça rigole en coin, s'enthousiasme et s'émeut de l'oppression, de la révolte, de la solidarité.

Sergueï Mikhaïlovich Eisenstein n'était en rien un peintre d'icônes, il était un compositeur et un chorégraphe. Ses films, celui-là exemplairement, sont farandole, danse macabre, valse somptueuse et bamboula d'enfer. Les images et les idées, les blancs et les noirs, les formes et les symboles sont ses notes et ses danseurs, il les arpège et les emballe. S. M. Eisenstein croyait, comme cinéaste, à la révolution, il fit un film qui était révolutionnaire d'abord par l'énergie qu'il entendait transmettre à qui le regarderait.

Réalisé pour le vingtième anniversaire de la Révolution de 1905, « répétition générale » de celle de 1917, le film n'est certes pas une reconstitution historique fidèle. Semblant inventer sans cesse, séquence après séquence, son récit et ses modes de narration, il est la manifestation peut-être la plus condensée et la plus percutante de cette double espérance que seraient à la fois la puissance contestataire du cinéma comme acte politique et la nature révolutionnaire de l'art cinématographique comme mise en crise féconde des arts existant auparavant.

Malgré les nombreuses divergences qui les opposaient, c'est ce que croyaient ensemble les grands cinéastes soviétiques de ces années-là, Eisenstein et Vertov, Poudovkine et Barnet, Dovjenko, Kozintsev et Medvedkine. C'est ce que n'ont cessé de retrouver, au fil des décennies et jusqu'à aujourd'hui, les cinéastes qui n'ont cessé depuis d'« inventer » le cinéma.

C'est ce qui rend passionnant l'accueil public d'un film qui rompait avec les recettes romanesques et théâtrales (celles du cinéma pompier, alors comme aujourd'hui), un film sans héros ni fil dramatique simple, et qui dans les seuls pays où il put sortir alors, URSS et Allemagne, obtint une énorme succès populaire.

Dans quelle mesure est-ce la raison de son interdiction en France en Grande- Bretagne, en Italie, au Japon, de son caviardage indécent aux Etats-Unis (alors qu'il était vu comme un chef-d'oeuvre stimulant par les patrons de studio et les réalisateurs de Hollywood, qui le copièrent beaucoup) ? Ce serait faire beaucoup d'honneur aux censeurs, mais ils ont dû se douter de quelque chose.



Genèse d'un chef-d'oeuvre

S. M. Eisenstein. Article paru dans l'édition "Le Monde" du 23.01.2005
Dans un article publié en 1945 (et traduit dans les Cahiers du cinéma en 1952), Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein parle de son film, « Le Cuirassé Potemkine », et de la révolution russe.

Pour faire un film sur un cuirassé, il faut... un cuirassé. Et pour retracer l'histoire d'un cuirassé de l'année 1905, il faut notamment que le cuirassé soit du type 1905. En vingt ans - nous étions alors dans l'été 1925 - les silhouettes des bateaux de guerre avaient changé du tout au tout.

Ni dans la baie de Louga, du golfe de Finlande - c'est-à-dire dans la flotte de la mer Baltique -, ni dans la flotte de la mer Noire il n'existait plus de cuirassé du type ancien. Voici un cuirassé qui danse gaiement sur les eaux de Sébastopol. Mais ce n'est pas du tout celui qu'il nous faut. Il n'a pas cette croupe large, si particulière, il lui manque le pont arrière, théâtre du célèbre drame que nous avons à reconstituer.

Quant au véritable Potemkine, il est mis à la ferraille depuis des années. Impossible même de retrouver la trace de l'histoire dont le tourbillon a dispersé et balayé la lourde cuirasse de tôle qui recouvrait autrefois les flancs robustes du bateau. Toutefois, les limiers de la recherche nous firent savoir que si le Prince-Potemkine-de-Tauride lui-même n'était plus, son ami et parent du même type, autrefois puissant et glorieux, le cuirassé Douze-Apôtres était encore en vie. (...)

C'est sous le signe des mines que tout le travail s'accomplit. Défense de fumer. Défense de courir. Défense même d'aller sur le pont, sans nécessité absolue. (...)

Il eût fallu des mois pour décharger les mines et nous n'avons que quinze jours pour achever le film avant l'anniversaire. Essayez un peu de tourner une révolte dans pareilles conditions ! Mais « les obstacles n'existent pas pour les Russes », et la révolte fut tournée !

Ce n'est pas en vain que les mines ont remué dans le ventre du vieux cuirassé et frémi du fracas des événements historiques qui reprenaient vie sur le pont. Le rejeton cinématographique a emporté dans son tour du monde quelque chose de leur puissance explosive. L'image du vieillard révolté a causé bien des inquiétudes à beaucoup de censures et de polices d'Europe. Il n'y eut pas moins de remous dans l'esthétique cinématographique. (...)

La scène de la fusillade sur l'escalier d'Odessa ne figurait sur aucun scénario préliminaire, sur aucune des notes préparatoires au montage. C'est la rencontre même de l'escalier qui la fit naître. (...) C'est l'élan même de ces marches qui fit jaillir l'idée de la scène. Son mouvement irrésistible poussa l'imagination du metteur en scène à créer lui aussi un autre élan.

On pourrait dire que la terreur de la foule se précipitant jusqu'au bas des marches d'un seul mouvement n'est rien autre que l'incarnation de cette première émotion, ressentie à la vue de l'escalier lui-même. (...) Et voici que cet épisode particulier incarne l'émotion de l'épopée de 1905 tout entière. La partie a pris la place du tout. Et la partie s'est imprégnée de l'émotion du tout. Comment la chose fut-elle possible ?

La revalorisation du gros plan qui transforme un détail d'information en une particularité susceptible d'évoquer tout un ensemble dans l'esprit et le coeur du spectateur y est pour beaucoup. Ainsi le pince-nez du médecin au moment voulu prend la place de l'homme : le pince-nez balancé par les vagues remplace le médecin en train de se débattre dans les algues, après le jugement sommaire des marins. (...)

Le morceau de viande avariée grandit jusqu'à devenir le symbole des conditions inhumaines de vie, imposées à l'armée et à la flotte aussi bien qu'aux exploités de « la grande armée du travail ». La scène de la plage arrière a absorbé les traits de cruauté caractéristique de la répression tsariste contre toute tentative de révolte.

Cette scène symbolise également le mouvement de riposte non moins caractéristique de ceux qui reçurent en 1905 l'ordre de sévir contre les révoltés. Le refus de tirer sur la foule, sur la masse, sur le peuple, sur les frères, c'est un élément propre à l'atmosphère de l'année « cinq » ; il illustre le passé de plusieurs unités de l'armée que la réaction lâchait contre les révoltés.

La scène funèbre devant la dépouille mortelle de Vakoulintchouk fait écho à toutes les obsèques de victimes de la révolution, qui se transformaient en manifestations ardentes, provoquant bagarres et massacres. (...)

Enfin, la dernière image du film, le passage victorieux du cuirassé à travers l'escadre de l'Amirauté, cet accord majeur qui met fin aux événements, porte en elle, cette fois encore, la vision entière de la révolution de l'année « cinq ».

Nous connaissons la suite de l'histoire du cuirassé. Il fut bloqué à Constanza puis rendu au gouvernement tsariste. Une partie des marins échappa. Mais Matinchenko, tombé aux mains des bourreaux tsaristes, fut exécuté. Toutefois, l'histoire filmée du cuirassé se clôt avec raison sur une victoire. Car, du point de vue purement historique, la révolution de l'année « cinq », noyée elle-même dans le sang, figure dans le cours des événements révolutionnaires, avant tout comme un fait victorieux. Elle annonce la victoire finale d'Octobre. (...)

S. M. Eisenstein











L'artiste de la Révolution

Florence Colombani. Article paru dans l'édition « Le Monde » du 23.01.2005


Les encyclopédies américaines l'appellent le « Griffith soviétique ». Comme son aîné américain, Sergueï M. Eisenstein est l'inventeur d'une grammaire essentielle pour tous les cinéastes. Le jeune homme a dix-neuf ans en 1917 et un diplôme d'ingénieur. Enflammé par les promesses de la Révolution, il se lance dans le théâtre, aux côtés de l'acteur et metteur en scène Vsevolod Meyerhold. Mais dans l'URSS naissante, le prestige du cinéma, art moderne, est incomparable.

En 1922, Kozintsev, Trauberg et Youtkevitch créent la Fabrique de l'acteur excentrique, qui favorise des formes d'expression comme le jazz, le burlesque ou la boxe. Dans cette mouvance, Eisenstein commence son oeuvre de théoricien. Son premier long-métrage, La Grève, dénonce la condition ouvrière dans la Russie tsariste. Un tel acte de foi dans le nouveau régime lui vaut une commande prestigieuse : une oeuvre pour commémorer la révolution de 1905.

Ambitieux, Eisenstein conçoit une vaste fresque dont il commence le tournage à Moscou. Mais ni le temps ni la météo ne sont au rendez-vous. Voici l'équipe partie, racontera-t-il, « à la recherche des derniers rayons du soleil, du côté d'Odessa et de Sébastopol ». Le cinéaste décide alors que « la partie va tenir lieu du tout » : un épisode, celui de la révolte à bord du cuirassé Prince Potemkine, « va matérialiser affectivement toute l'épopée de 1905 ».

La splendeur du Cuirassé Potemkine impose Eisenstein comme un artiste de génie. Le pouvoir lui commande aussitôt Octobre, qui sort en 1927 pour célébrer l'anniversaire de la Révolution. Le choix des comédiens obéit à des considérations d'ordre idéologique. Ainsi, un ouvrier est choisi pour jouer Lénine. Eisenstein dispose de moyens exceptionnels. L'armée rouge et la population de Leningrad sont mobilisées pour des scènes de foule.

Cette opulence a son prix : Eisenstein doit obéir aux souhaits du bureau politique. Trotski vient d'être expulsé pour activités contre-révolutionnaires. Interdiction, donc, de mettre en avant son rôle en 1917. La légende dit que Staline en personne vint s'en assurer dans la salle de montage.

Eisenstein poursuit sa réflexion sur la nature du cinéma, en accordant une importance primordiale au montage.

En 1929, il est autorisé à quitter le pays pour une mission d'étude sur le cinéma parlant. Il visite Berlin, Paris, puis Hollywood, où la Paramount l'a invité. A son retour en 1932, éprouvé par le tournage de Que viva Mexico ! qu'il n'a pu achever, il est accueilli avec une méfiance hostile. On exige de lui une autocritique publique lors d'un congrès ; il doit arrêter un film en plein tournage (Le Pré de Béjine ).

Pourtant, Staline lui fait assez confiance pour le laisser tourner un nouveau chef-d'oeuvre, Alexandre Nevski. Eisenstein succombe à une crise cardiaque en 1948, quelques mois à peine après l'interdiction du deuxième volet de son Ivan le terrible, portrait d'un tyran paranoïaque.




Extrait : Le Cuirassé Potemkine (1925) Sergeï Mikhaïlovitch Eisenstein

Offret | Le Sacrifice | Andrei Tarkovski | 1986



Titre original : Offret

Titre Français : Le Sacrifice

Réalisation : Andreï Tarkovski

Acteurs principaux :
Erland Josephson,
Susan Fleetwood,
Valérie Mairesse,
Allan Edwall,
Gudrun Gisladottir,
Sven Wollter,
Filippa Franzen,
Tommy Kjellqvist

Scénario : Andreï Tarkovski

Photographie : Sven Nykvist

Musique :
Johann Sebastian Bach,
Watazumido Shuso

Production : Anna-Lena Wibom

Société(s) de distribution : Sandrew (Suède)

Pays d’origine :
Suède
Royaume-Uni
France

Langue(s) originale(s) suédois / anglais / français

Durée : 149 min

Sortie : 1986



Andreï Tarkovski : BIO EXPRESS


1932 Naissance le 4 avril à Zavraje (Russie), province d’Ivano. Son père est le poète russe Arseni Tarkovski, et sa mère, Maria Vishnyakova, est diplômée de littérature.

1937 Le père quitte le foyer familial. Andrei s’installe à Moscou avec sa mère et sa soeur Marina.

1939 Evacuation de Moscou pendant la guerre, la famille s’installe chez la grand-mère maternelle.

1943 Retour à Moscou.

1954 Intègre l’Institut central du cinéma (VGIK).

1956 Réalise son premier court métrage, Les Tueurs, en noir et blanc, d’après une nouvelle de Hemingway.

1957 Epouse Irma Raush, rencontrée au VGIK, avec qui il aura un fils, Arseny, en 1962.

1960 Le Rouleau compresseur et le violon, un moyen métrage en couleurs, est son film de fin d’études.

1962 Son premier long métrage, L’Enfance d’Ivan, remporte le Lion d’or à Venise.

1969 Remporte le prix Fipresci de la critique internationale à Cannes pour Andrei Roublev.

1970 Divorce de sa première femme, épouse Larissa Kizikova, assistante de production sur Andrei Roublev, avec qui il aura un fils, Andrei, en 1970.

1976 Met en scène Hamlet au théâtre Lenkom de Moscou. Le tournage de Stalker tourne au fiasco.

1979 Termine Stalker.

1983 Nostalghia reçoit le Grand Prix du cinéma de création à Cannes, le prix Fipresci et le Prix oecuménique.
Met en scène Boris Godounov au Royal Opera House de Londres.

1984 Annonce au cours d’une conférence de presse donnée à Milan qu’il ne retournera jamais en Union soviétique.

1985 Tourne Le Sacrifice en Suède. Apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon.

1986 S’installe à Paris où le rejoignent sa femme et son fils. Décède le 28 décembre à Neuilly-sur-Seine.



Missionnaire

Article d’Isabelle Regnier paru dans l'édition « Le Monde » du 27.01.2008

Andreï Tarkovski. Poète, philosophe, mystique... L'artiste russe, reconnu comme l'un des grands maîtres du septième art, considérait son oeuvre comme « une prière »


Venu relativement tard au cinéma, Andreï Tarkovski a passé sa vie à ferrailler avec les autorités soviétiques, et n'a laissé derrière lui que sept films.

Mort jeune, à 54 ans, il est reconnu comme le cinéaste russe le plus important de la seconde moitié du XXe siècle et, plus largement, comme l'un des grands maîtres du septième art. Poète, philosophe, mystique, Andreï Tarkovski se considérait comme un sculpteur de temps, investi, en tant qu'artiste, d'une mission envers Dieu : « Mes films ne sont pas une expression personnelle, mais une prière. »

Emplis de visions sidérées et sidérantes du monde, ses films ont inspiré de nombreux cinéastes, parmi lesquels Ingmar Bergman, qui écrivit sur leur auteur : « Si Tarkovski est pour moi le plus grand, c'est parce qu'il apporte au cinématographe, dans sa spécificité, un nouveau langage qui lui permet de saisir la vie comme apparence, comme songe. »

Né en 1932 dans la province russe d'Ivano, Andreï Tarkovski est profondément marqué, dans son enfance, par le départ de son père, le poète Arseni Tarkovski, et par la vie qu'il mène ensuite, où il est ballotté avec sa mère et sa soeur au gré des événements, et notamment de la guerre - autant d'événements qui trouveront des échos dans son film autobiographique, Le Miroir.

Initié à la musique, la peinture, la sculpture, Tarkovski s'engage, une fois à l'université, dans des études d'arabe, qu'il abandonne en cours de route.
Engagé comme géologue par l'Académie des sciences de Moscou, il formule le projet de devenir cinéaste alors qu'il est embarqué dans une longue mission dans la région de Krasnoïarsk.

Admis au VGIK (l'Institut central du cinéma) en 1956, il découvre, sous la tutelle de son professeur, Mikhaïl Romm, le néoréalisme italien, la nouvelle vague française, les films de Kurosawa, de Buñuel, de Bergman, Bresson, Mizoguchi... et réalise, l'année suivante, son premier court-métrage, Les Tueurs, adapté d'une nouvelle d'Hemingway. En 1960, Le Rouleau compresseur et le Violon, son film de fin d'étude, reçoit le premier prix du Festival de films d'étudiants de New York, la première d'une longue série de distinctions internationales.

Son premier long-métrage, L'Enfance d'Ivan, en effet, est couronné par le Lion d'or à Venise. Hormis Le Miroir, les suivants - Andreï Roublev, Solaris, Stalker, Nostalghia, Le Sacrifice - iront tous à Cannes, et plusieurs seront primés. Aucun toutefois ne recevra la Palme d'or.

Constamment tiraillé entre l'Orient et l'Occident, le cinéaste fuit le régime soviétique en 1982, laissant derrière lui sa femme et son fils, Andreï. Il tourne Nostalghia en Italie, avec le soutien de la RAI, et Le Sacrifice, son dernier film, en Suède. Atteint d'un cancer du poumon, il meurt à Paris en 1986, aux côtés de sa femme et de son fils, qui ont finalement obtenu l'autorisation de quitter l'URSS pour le rejoindre.




Le Sacrifice. Un acte de foi


Dans ce film testament, Andreï Tarkovski aborde son angoisse de l’envahissement matérialiste de la société contemporaine. Une problématique chrétienne assumée

Dernier film d’Andreï Tarkovski, adapté d’une nouvelle qu’il écrivit lui-même en 1984, réalisé en Suède alors qu’il vivait coupé de sa femme et de son fil depuis plusieurs années, Le Sacrifice peut être considéré comme l’œuvre testamentaire du cinéaste.

Le sacrifice en question est celui d’un intellectuel, athée, bourgeois, Alexander (Erland Josephson, l’acteur bergmanien de Scènes de la Vie conjugale, de Saraband…), qui se retrouve saisi d’effroi le jour de son anniversaire quand la télévision lui apprend qu’une guerre nucléaire a été déclarée. Il s’agenouille alors devant Dieu et s’engage à renoncer à tout ce qu’il possède – famille, amis, maison, biens matériels… – si le monde reprenait le cours qui était le sien, juste avant l’effroyable événement. Le miracle se produit, et l’homme exécute sa promesse.

Le film commence au bord d’une rivière, où Alexander arrive avec son fils, rendu muet à la suite d’une opération, pour planter avec lui un arbre sec. Ce faisant, il lui raconte une parabole japonaise sur un garçon qui, à force d’arroser ainsi chaque jour un arbre sec, obtint de le voir renaître à la vie au bout de trois ans. Dans le même plan-séquence, sans que l’homme se soit arrêté de parler, un autre arrive à vélo, le facteur, qui l’entraîne dans une longue discussion métaphysique, puis s’en va, le laissant poursuivre seul ses divagations, dans ce qui s’apparente à une véritable logorrhée.

Le film s’achève au même endroit, près de la rivière, après une journée et une nuit durant lesquelles le temps semble s’être littéralement dissolu, éclaté en quelques longues séquences où le surnaturel vient sans cesse pénétrer la sphère du réel et emporter le film dans des terres poétiques mystérieuses : une fête d’anniversaire qui vire à l’apocalypse, la longue prière épiphanique d’Alexander, une scène d’amour en lévitation, la mise à feu de sa propre maison et le départ d’Alexander dans une ambulance…. Revenu seul arroser son arbre, le fils prononce alors ses premiers mots, dans les dernières minutes du film : « Au commencement était le verbe… qu’est-ce que cela veut dire, papa ? »

Lumineux et obscur, foisonnant de symboles, d’incises inexpliquées, ce film empreint de mythologie païenne met en scène, autour d’une problématique profondément chrétienne, l’angoisse du réalisateur face au matérialisme des sociétés modernes.




Extrait : Offret | Le Sacrifice (1986) Andrei Tarkovski