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YEARS : 1925  |  1926  |  1931  |  1938  |  1939  |  1940  |  1941  |  1942  |  1948  |  1949  |  1951  |  1952  |  1953  |  1954  |  1955  |  1962  |  1964  |  1965  |  1966  |  1967  |  1968  |  1969  |  1970  |  1971  |  1974  |  1976  |  1977  |  1979  |  1980  |  1981  |  1982  |  1983  |  1984  |  1985  |  1986  |  1987  |  1990  |  2000  |  2002  |  2003  | 

FILMS : Charulata | Satyajit Ray | 1964 M le Maudit | Fritz Lang | 1931 Festen | Thomas Vinterberg | 1998 Offret | Le Sacrifice | Andrei Tarkovski | 1986 Le Cuirassé Potemkine | S.M. Eisenstein | 1925 Raging Bull | Martin Scorsese | 1980 Brutti Sporchi e Cattivi | Ettore Scola | 1976 The General | Clyde Bruckman, Buster Keaton | 1926 Ladri di Biciclette | Vittorio de Sica | 1948 The Maltese Falcon | John Huston | 1941 Rumble Fish | Francis Ford Coppola | 1983 Les Ailes du Désir | Wim Wenders | 1987 Traité de Bave et d'Eternité | Isidore Isou | 1951 On the Waterfront | Elia Kazan | 1954 Brazil | Terry Gilliam | 1985 Down by Law | Jim Jarmusch | 1986 Alphaville | Jean-Luc Godard | 1965 Scarface | Brian de Palma | 1984 Le Fanfaron | Dino Risi | 1962 Casablanca | Michael Curtiz | 1942 Citizen Kane | Orson Welles | 1941 In Mood For Love | Wong Kar Wai | 2000 Printemps, été, automne, hiver ... et printemps | Kim Ki-Duk | 2003 Dr. Strangelove | Stanley Kubrick | 1964 Third Man | Carol Reed | 1949 The Great Dictator | Charles Chaplin | 1940 Requiem for a Dream | 2000 | Darren Aronofsky Bonnie And Clyde | 1967 | Arthur Penn Les Triplettes de Belleville | 2003 | Sylvain Chomet Singin'in the Rain | 1952 | Stanley Donen et Gene Kelly Antonio das Mortes | Glauber Rocha | 1969 La Haine | 1995 | Mathieu Kassovitz Le Salaire de la peur | 1953 | Henri-Georges Clouzot C'eravamo Tanto Amati | 1974 | Ettore Scola Série Noire | 1979 | Alain Corneau Pink Floyd | Wall | 1982 | Alan Parker A Clockwork Orange | 1971 | Stanley Kubrick La Femme du Boulanger | 1938 | Marcel Pagnol Le Jour se Lève | 1939 | Marcel Carné Hôtel du Nord | 1938 | Marcel Carné Faces | 1968 | John Cassavetes La Nuit du Chasseur | 1955 | Charles Laughton Macadam Cowboy | 1969 | john Schlesinger Douze Hommes en colère | 1957 | Sidney Lumet Fahrenheit 451 | 1966 | Francois Truffaut La Valse des Pantins | 1983 | Martin Scorsese Le Pigeon | 1958 | Mario Monicelli Le Visage | 1957 | Ingmar Bergman Le Beau Serge | 1959 | Claude Chabrol Maarek Hob | 2003 | Danielle Arbid Rosetta | 1998 | Luc et Jean-Pierre Dardenne The Servant | 1963 | Joseph Losey Glenn Ford Quentin Tarantino Shohei Imamura Patrick Dewaere John Cassavetes Il Buono, il Brutto e il Cattivo | The Bad, The Good and The Ugly | Sergio Leone | 1966 Sergio Leone Johnny Got His Gun | Dalton Trumbo | 1971 David Lynch | Rabbits | 2002 David Lynch | Symphony No. 1 : The Dream of the Broken Hearted | 1990 David Lynch | Eraserhead | 1977

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David Lynch | The Grandmother | 1970

The Grandmother

Réalisation : David Lynch

Scénario : David Lynch

Animation : David Lynch

Prise de vues : David Lynch

Genre : surréalisme, moyen métrage

Durée : 34 minutes


Distribution
Richard White : Garçon
Dorothy McGinnis : Grand-mère
Virginia Maitland : Mère
Robert Chadwick : Père






The Grandmother - David Lynch | (Trailer) | 1970

David Lynch | Eraserhead | 1977

Eraserhead

Titre français : Labyrinth man

Réalisation : David Lynch

Scénario : David Lynch

Décors : David Lynch

Photographie : Herbert Cardwell, Frederick Elmes

Montage : David Lynch

Musique : Peter Ivers, David Lynch

Effets spéciaux : David Lynch

Production : American Film Institute, David Lynch

Budget : 100 000 $ (estimation)

Langue : anglais

Genre : Fantastique, Horreur, Drame

Durée : 85 minutes

Format : Noir et Blanc - 35 mm - 1.85 :1 - Mono

Dates de tournage : du 29 mai 1972 à janvier 1975

Dates de sortie : États-Unis : 19 mars 1977 (Festival Filmex) ; France : 17 décembre 1980

Interdit aux moins de 16 ans


Distribution
Jack Nance : Henry Spencer
Charlotte Stewart : Mary
Allen Joseph : Bill, le père de Mary
Jeanne Bates : la mère de Mary
Judith Anna Roberts : la belle fille de l’autre côté du couloir
Jean Lange : la dame dans le radiateur
Laura Near : la grand-mère
V. Phipps-Wilson : la propriétaire





Eraserhead Trailer David Lynch




David Lynch | Symphony No. 1 : The Dream of the Broken Hearted | 1990

Symphony No. 1: The Dream of the Broken Hearted

Réalisateur : David Lynch

Producteurs : Angelo Badalamenti, David Lynch et John Wentworth

Producteurs exécutifs : Steve Golin, Monty Montgomery et Sigurjon Sighvatsson

Musique : Angelo Badalamenti et David Lynch

Montage : Bob Jenkis

Format : 1.33:1

Pays d'origine : États-Unis

Durée : 50 minutes


Distribution
Laura Dern : femme au cœur brisé
Nicolas Cage : Briseur de cœur
Julee Cruise
Lisa Giobbi : Danseuse
Félix Blaska : Danseur



Symphony No. 1: The Dream of the Broken Hearted (1990) David Lynch

David Lynch | Rabbits | 2002

Rabbits

Réalisation : David Lynch

Scénario : David Lynch

Musique : Angelo Badalamenti

Format : couleur - 1,78:1

Langue : anglais

Pays d'origine : États-Unis

Année de production : 2002

Genre : Drame, épouvante-horreur, Fantastique

Durée : 50 minutes


Distribution :
Jack : Scott Coffey
Jane : Rebekah Del Rio
Jane : Laura Elena Harring
Suzie : Naomi Watts



Rabbits (2002) David Lynch

Johnny Got His Gun | Dalton Trumbo | 1971


Johnny Got His Gun - Johnny s'en va-t-en guerre
(Etats-Unis, 1971, 111 min).

RÉALISATION, SCÉNARIO
Dalton Trumbo, d'après son roman publié en 1939.

PHOTOGRAPHIE
Jules Brenner.

DÉCORS
Harold Michelson.

MONTAGE
Millie Moore.

PRODUCTION
Bruce Campbell, Tony Monaco et Christopher Trumbo.

INTERPRÈTES
Timothy Bottoms, Kathy Fields, Marsha Hunt, Jason Robards, Donald Sutherland.


Un hymne pacifiste

Pour écrire son livre, dont il a tiré le film, Trumbo s'est inspiré de souvenirs personnels et d'articles de presse. RUE DES ARCHIVES

Jean de Baroncelli, Article paru dans l'édition « Le Monde » du 18 mai 1971

De la souffrance morale d'un jeune soldat isolé dans son corps après avoir été déchiqueté par un obus, le réalisateur tire une oeuvre onirique et émouvante. Son réquisitoire ne perd jamais de sa force.

Dalton Trumbo a 65 ans. Romancier, scénariste, auteur dramatique, il n'avait jamais fait de mise en scène de cinéma. En 1964, Luis Buñuel fut tenté de porter à l'écran Johnny Got His Gun et Trumbo travailla avec lui au scénario. Mais le producteur fit faillite. Quelques années plus tard, Trumbo reprenait le projet, et malgré le refus des "major companies" hollywoodiennes de s'intéresser à l'affaire, décidait de tourner lui-même le film.

L'histoire de Johnny Got His Gun est atroce. Pendant la première guerre mondiale, un jeune soldat américain est déchiqueté par un obus. Il n'a plus ni bras ni jambes, son visage est en bouillie. Il est aveugle et sourd. Mais son coeur bat encore. Le médecin qui le soigne (à titre expérimental) est persuadé que le cerveau est atteint.

En réalité, Johnny est parfaitement conscient. Sa mémoire fonctionne et le toucher lui permet de communiquer avec le monde extérieur. Bref, il sait ce qu'il est devenu. S'il ne souffre pas physiquement, sa souffrance morale est intolérable et, du fond de son gouffre, il hurle au secours, sans qu'on veuille l'entendre.

L'adaptation d'un tel sujet présentait de sérieuses difficultés, que Dalton Trumbo n'a pas toujours réussi à vaincre. L'essentiel du récit est, en effet, constitué par le long monologue intérieur de Johnny. Une voix qui était la sienne nous fait continuellement plonger dans son passé et dans ses rêves. Souvenirs et phantasmes oniriques que le réalisateur traduit en images souvent pesantes et maladroites. La force et l'expérience d'un Bergman ou d'un Buñuel manquent à cette partie du film.

En revanche, toutes les scènes (en noir et blanc) qui se déroulent au chevet du malade expriment parfaitement l'horreur de la situation. Et quand intervient une jeune infirmière qu'une immense pitié attache à Johnny et que, grâce à elle, celui-ci peut exprimer son désespoir, nous vivons des moments de réelle émotion. Une fois de plus, la guerre est clouée au pilori par une oeuvre implacable. Le film a des défauts, la violence du réquisitoire nous aide à les oublier.



Dalton Trumbo

Propos recueillis par Louis Marcorelles " Le Monde " du 2 mars 1972

J'avais écrit mon livre à la fois à partir d'expériences personnelles : mes souvenirs d'adolescence, et des articles de journaux consacrés aux victimes de la première guerre mondiale. J'étais trop jeune pour l'avoir vécue personnellement, mais je me rappelais l'excitation qu'elle avait suscitée. Plus tard, avant de rédiger le roman, j'ai lu deux comptes rendus - dans des journaux canadiens - qui m'ont beaucoup impressionnés. Ils racontaient, entre autres, la visite du roi d'Angleterre à un mutilé de guerre complètement paralysé... Il avait communiqué avec lui en l'embrassant sur la poitrine.

Le livre est né dans la ferveur. Je l'ai dicté à ma secrétaire dans un sorte d'improvisation. Je ne pensais nullement en tirer un jour un film. Puis, en 1964, j'ai rencontré le producteur de Luis Buñuel, Gustavo Alatriste (...). Alatriste me dit que Buñuel mettrait en scène le film si j'en écrivais l'adaptation, et je suis parti pour Mexico retrouver Luis, que je connaissais depuis plus de dix ans. (...) Huit mois plus tard, j'avais terminé mon adaptation et je l'ai envoyée.

Mais Gustavo Alatriste n'avait plus d'argent et le script m'est revenu. (...)
Le film achevé, je l'ai projeté à Luis, un peu comme un chien rapporte un os à son maître. Luis l'adora, particulièrement la scène où l'infirmière essaie d'étrangler Johnny et échoue. Je lui ai dit : c'est votre scène !

Effectivement, il me l'avait suggérée, c'était consigné dans le livre, de sa propre écriture. Luis, c'est un tout. Il avait conçu la scène, l'avait totalement oubliée, puis, la voyant à l'écran, l'adorait autant que lorsqu'il l'avait lui-même inventée.

L'expérience du tournage a été pour moi assez unique. J'ai découvert le pouvoir, un extraordinaire sentiment de puissance en tant que metteur en scène. Mon principal travail avec les acteurs a consisté à les entourer d'affection.

Timothy Bottoms, qui joue Johnny, avait 19 ans, il n'avait jamais paru devant une caméra, avec lui j'étais un peu comme un grand-père. Il est assez typique de la jeunesse des années 1970, hypersensible, très subjectif, un peu éloigné de la réalité. (...)

Le vieil Hollywood est mort, et pas seulement à cause de la liste noire dont j'ai été une des victimes. L'Amérique a terriblement changé après la guerre, ce n'est plus le même pays. "




Trumbo, du scénariste star au paria de la "liste noire"

Antoine Thirion "Cahiers du cinéma"

James Dalton Trumbo publie Johnny Got His Gun l'année où Hitler envahit la Pologne. A 34 ans, c'est l'un des scénaristes les mieux payés d'Hollywood. Né dans une famille pauvre du Colorado, il dut longtemps se résigner à mettre de côté sa vocation pour l'écriture, la mort de son père, en 1934, l'obligeant à travailler dans une boulangerie afin de subvenir aux besoins de sa mère et de ses soeurs.

Il parvint néanmoins à publier des nouvelles dans plusieurs revues prestigieuses, dont Vanity Fair et Vogue, jusqu'à la parution de son premier roman en 1934 (Eclipse). La même année, la Warner Bros l'engage comme lecteur, puis scénariste pour des séries B. Au moment de rejoindre la MGM en 1937, il a déjà travaillé dans tous les plus grands studios hollywoodiens : Columbia, Paramount, 20th Century Fox, RKO.

S'il n'adhère officiellement au Parti communiste américain qu'en 1943, il en était déjà bien avant un célèbre sympathisant. Le message de Johnny s'en va-t-en guerre correspond à l'époque à la ligne du parti, résolument pacifiste et critique envers Roosevelt et l'engagement militaire américain. Le parti accueille d'ailleurs le roman avec enthousiasme et l'érige en modèle de l'isolationnisme qu'il prône. Une diffusion radiophonique le popularise encore davantage, notamment grâce à James Cagney, qui prête sa voix au héros mutilé.

L'attitude du Parti communiste américain tenait en grande partie au pacte de non-agression passé par Hitler et Staline. Lorsque l'Allemagne envahit l'URSS, le parti change de position et soutient celle de Roosevelt. Trumbo ordonne alors à son éditeur de retirer son livre du marché populaire chez les pacifistes, les isolationnistes et les fascistes.

En 1944, il va jusqu'à montrer au FBI des lettres lui réclamant des copies du livre épuisé, se conformant à l'ordre du parti de dénoncer toute attitude antipatriotique.


1971.

Cela fait bientôt douze ans que le nom de Dalton Trumbo a ressurgi sur les écrans, à l'occasion d'Exodus (1959), en partie grâce à l'insistance du cinéaste Otto Preminger. La liste noire est enterrée ; les " dix de Hollywood " dont Trumbo faisait partie, et qui avaient été condamnés pour avoir refusé de répondre aux
questions de la commission des activités antiaméricaines (Trumbo fit dix mois de prison ferme), peuvent enfin officiellement reprendre le travail.

" Officiellement ", car Trumbo, comme d'autres, n'a pas cessé de travailler sous des noms d'emprunt. Exilé à Mexico puis en Europe, il a notamment écrit le scénario des magnifiques Gun Crazy de Joseph H. Lewis - sous le pseudonyme de Millard Kaufman, l'histoire d'une cavale amoureuse à laquelle Bonnie & Clyde empruntera beaucoup, Le Rôdeur de Joseph Losey, et Vacances romaines (Billy Wilder, 1953).

Ses alias ont même reçu à plusieurs occasions des Oscars, dont Robert Rich pour Les clameurs se sont tues (Irving Rapper, 1956), rendu à son auteur en 1975, de même qu'une statuette posthume en 1993 pour Vacances romaines.

Cinq ans avant de mourir d'une crise cardiaque consécutive à un cancer du poumon, Trumbo tourne l'adaptation de son fameux roman de 1939, lequel entre alors en résonance avec le désastre du Vietnam.

Johnny s'en va-t-en guerre demeure son seul film en tant que réalisateur - tâche qu'il n'a au fond jamais réellement souhaitée, convaincu au contraire que le véritable auteur d'un film est son scénariste.


Johnny Got His Gun - Johnny s'en va-t-en guerre (1971) Dalton Trumbo

Stanley Kubrick | 1928 - 1999

Stanley Kubrick

Auteur de treize longs métrages, travailleur exigeant et infatigable, l'Américain a laissé à sa mort, en 1999, une série de créations monumentales, chacune inscrite dans un genre différent, du magistral "2001 : l'Odyssée de l'espace" au labyrinthique "Shining", en passant par "Barry Lyndon".


BIO EXPRESS

1928.
Naissance le 26 juillet dans le Bronx, à New York, dans une famille juive originaire d'Europe centrale. Son père est médecin, pianiste et photographe amateur, sa mère est chanteuse et danseuse.

1945.
Il entre comme photographe au magazine Look.

1948.
Mariage avec Toba Metz, une ancienne camarade de classe, dont il divorcera en 1951.

1950-1951.
Premiers courts métrages : Prizefighter, sur la journée d'un boxeur, et Flying Padre, deux jours dans la vie d'un révérend catholique.

1953.
Premier long métrage : Fear and Desire.

1954.
Léopard d'or à Locarno pour Le Baiser du tueur. Il épouse Ruth Sobotka (divorce en 1957).

1957.
Les Sentiers de la gloire, scandale auprès des anciens combattants qui découragent les producteurs de présenter le film à la censure française. Il ne sortira en France qu'en 1972.

1958.
Il épouse l'actrice Christiane Susan Harlan. Ils auront deux enfants. A partir de 1975, Jan Harlan, le frère de Christiane Susan, deviendra le producteur exécutif des films de Kubrick.

1961.
Exil en Grande-Bretagne.

1962.
Lolita, adapté du roman de Nabokov. Scandale auprès des ligues puritaines.

1964.
Docteur Folamour.

1968.
2001 : l'Odyssée de l'espace.

1972.
Sortie d'Orange mécanique. Polémique en Grande-Bretagne. Kubrick reçoit des menaces de mort et fait retirer le film des écrans britanniques.

1975.
Barry Lyndon remporte quatre Oscars.

1980.
Shining.

1999.
Décès le 7 mars dans sa résidence de la banlieue de Londres. Il laisse plusieurs projets inachevés : un film sur Napoléon ; The Aryan Papers, sur le nazisme ; A.I., confié à Steven Spielberg. Sortie de Eyes Wide Shut.





Le perfectionniste

Isabelle Regnier, Article paru dans l'édition « Le Monde » 30 Septembre 2007

Stanley Kubrick. Portée par une insatiable exigence esthétique, technique, narrative, son oeuvre, qui ne compte que treize films, n'en est pas moins monumentale.

Cinéaste de la démesure, Stanley Kubrick est l'auteur d'une oeuvre aussi rare, par le nombre de films qu'elle compte - treize, seulement ! - que monumentale à l'échelle de chacun d'entre eux. Portée par une insatiable exigence esthétique, technique, narrative, cette oeuvre se présente comme une succession de créations magistrales, chacune inscrite dans un genre cinématographique différent. Parmi elles, plusieurs chefs-d'oeuvre se distinguent par la manière dont ils en ont cristallisé, de manière éblouissante, toutes les possibilités.

Ainsi, Docteur Folamour ou Comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe, farce grinçante et délirante sur la bombe atomique dans laquelle Peter Sellers, en ancien nazi débauché par les Américains, porte son art du burlesque au pinacle.

Suivront : 2001 : l'Odyssée de l'espace, film de science-fiction indépassable sur le combat entre l'homme et la machine dans une mise en scène rigoureuse et des décors d'une magnificence vertigineuse ; Barry Lyndon, fresque picturale dont la puissance d'attraction n'a jamais totalement livré les clés de son mystère ; ou encore Eyes Wide Shut, abîme d'ambiguïté sur les affres du couple moderne, incarné par deux des plus grandes stars du cinéma international, Tom Cruise et Nicole Kidman. Auxquels s'ajoutent une liste de films majeurs : Les Sentiers de la gloire, Spartacus, Lolita, Orange mécanique, Shining ou Full Metal Jacket.

Stanley Kubrick a, un temps, rêvé de devenir batteur de jazz, avant de se passionner pour la photographie. Repéré à l'âge de 17 ans par le magazine Look pour un de ses clichés (un marchand de journaux accablé par la nouvelle de la mort de Franklin D. Roosevelt), il entame alors une carrière de photographe de presse. Après cinq ans passés dans ce métier, où il développe un sens aigu de la lumière et de la composition des cadres, il réalise deux courts métrages documentaires, qui seront distribués par la RKO. Ses premiers longs métrages ne se feront pas attendre.

Habités par la violence et la folie, ses films sont souvent l'objet de scandales ou de polémiques. Leur raison d'être était fréquemment liée à une avancée des techniques cinématographiques dans lesquelles Kubrick voyait un moyen de réinventer le cinéma. Ainsi, c'est l'utilisation de la steadycam qui donne à Shining sa forme labyrinthique. Tandis que l'esthétique si particulière de Barry Lyndon, inspirée de peintures anglaises du XVIIIe siècle, est liée à un objectif conçu pour la NASA qui rendait possible l'éclairage des scènes à la bougie...

Perfectionniste entêté, Stanley Kubrick voulait tout contrôler, de l'écriture jusqu'aux doublages en langue étrangère, de sa parole publique (quasi inexistante) à la circulation de ses films. Il fit ainsi disparaître les copies de ses deux premiers longs métrages, Fear and Desire et Le Baiser du tueur, après les avoir désavoués. Incompatible avec le système hollywoodien, son besoin de maîtrise totale le poussa à s'installer en Grande- Bretagne à partir de 1961, où il réalisa la partie la plus importante de son oeuvre.

Le Bon, la Brute et le Truand | The Bad, The Good and The Ugly | Sergio Leone | 1966



Italian : Il Buono, il Brutto e il Cattivo

English : The Bad, The Good and The Ugly

French : Le Bon, la Brute et le Truand

Directed : Sergio Leone

Produced : Alberto Grimaldi

Screenplay : Age & Scarpelli, Sergio Leone, Luciano Vincenzoni

Story : Sergio Leone, Luciano Vincenzoni

Starring : Clint Eastwood, Lee Van Cleef, Eli Wallach

Music : Ennio Morricone

Cinematography : Tonino Delli Colli

Editing : Eugenio Alabiso, Nino Baragli

Distributed : United Artists

Release date : 15 December 1966 (Italy)

Running time : 177 minutes

Country : Italy

Language : Italian, English






Un western baroque

Isabelle Régnier, Article paru dans l'édition « Le Monde » du 06.01.2008

De gros plans en grands espaces étirés en largeur, de lenteur contemplative en accès de violence fulgurante… une vision outrancière et délirante de la légende de l’Ouest américain

Dernier volet de la trilogie centrée sur le personnage de héros solitaire interprété par Clint Eastwood, Le Bon, la Brute et le Truand est aussi le plus abouti des trois.

Le film, situé en pleine guerre de Sécession, suit les trajectoires de trois chasseurs de primes en quête du même butin qui vont se croiser et finalement se rejoindre dans une extraordinaire confrontation aux abords d’un cimetière.

Construit comme une succession de tableaux, le film s’ouvre par trois scènes de présentation des trois personnages principaux. Chacune se clôt par un arrêt sur son image, l’inscription de son nom sur l’écran et une phrase de la musique mythique d’Ennio Morricone.

On découvre ainsi « le Truand » (Eli Wallach) fuyant des poursuivants et se jetant à travers une fenêtre fermée derrière laquelle il laisse une dizaine de morts. Vient ensuite « la Brute », sous les traits inquiétants de Lee Van Cleef, qui s’adonne à un numéro de cruauté gratuite invraisemblable qu’il justifie par une soidisant éthique professionnelle : « Je fais toujours ce pour quoi on m’a payé. » Arrive enfin « le Bon », tout aussi retors que les deux premiers, interprété par Clint Eastwood.

L’homme, surnommé Blandin, est engagé dans une association avec le truand, dont la tête est mise à prix, en vue d’empocher la rançon et de faire monter les enchères. Cruauté pure, primat de l’argent, absence de psychologie, ironie noire, voici donc posés les éléments fondateurs du « western spaghetti » à la Leone, qui s’épanouissent ici dans le contexte de la guerre civile américaine, où les personnages, par pur opportunisme, passent régulièrement d’un camp à l’autre, quitte à en faire les frais, le jour où la poussière du désert leur fait confondre l’uniforme des Yankees avec celui des Confédérés.

L’absurdité de la guerre est ici la cible de l’humour vitriolé du cinéaste, qui poursuit sa réflexion sur la légende de l’Ouest en déployant une démesure baroque plus maîtrisée que jamais.

Alternance de très gros plans et de grands espaces étirés dans des largeurs inédites, cadres composés comme des tableaux de la Renaissance, avec des jeux de perspectives délirants, outrance des contrastes entre une lenteur contemplative et des accès de violence fulgurante…

Si Sergio Leone a tant aimé le western, c’est qu’il y voyait non seulement la quintessence du cinéma américain, mais aussi celle de l’inconscient collectif de ce pays tout entier et de son imaginaire.

« Plus qu’un genre cinématographique, le western est le territoire de nos rêves », commentait-il.



Il Buono, il Brutto e il Cattivo | The Bad, The Good and The Ugly | Le Bon, la Brute et le Truand (1966) Sergio Leone

Sergio Leone | 1929 - 1989

Sergio Leone

Son nom est attaché au western, version italienne. Sergio Leone est un styliste brillant, auteur de grands films populaires qui sont aussi de véritables leçons de cinéma et qui, aujourd’hui encore, influencent de grands cinéastes américains tels que Francis Ford Coppola, Martin Scorsese ou Quentin Tarantino.

Isabelle Régnier, Article paru dans l'édition « Le Monde » du 06.01.2008

Il est reconnu comme un maître par des cinéastes tels que Sam Pekimpah, Martin Scorsese, Steven Spielberg, ou Quentin Tarantino.

Sergio Leone n’a pourtant réalisé que sept longs métrages, mais il a su imposer une vision radicalement moderne et noire de l’Amérique et de ses mythes, ainsi qu’un style éblouissant, qui fit  voler en éclat les canons cinématographiques préexistants.

Enfant de la balle, Sergio Leone a assisté pendant son enfance à la mise au ban de son père, le réalisateur Roberto Roberti, par le régime fasciste. Encore lycéen, alors que celui-ci se voit confier une nouvelle mise en scène après de longues années de chômage, il commence à travailler sur ses tournages, et devient pendant la guerre le plus jeune assistant réalisateur d’Italie.

Très tôt il se lance dans l’écriture d’un scénario sur la jeunesse romaine, mais la découverte, en 1953, de I Vitelloni, de Federico Fellini, dans lequel il reconnaît, les idées et les thèmes qu’il voulait porter à l’écran, donne un coup d’arrêt à ses ambitions de réalisateur. Décidé à rester assistant, il travaille pour les maîtres du néoréalisme italien et pour des cinéastes américains venus tourner dans les studios de la Cinecitta.

Jusqu’au jour où le réalisateur Mario Bonnard, qu’il assistait sur le tournage des Derniers Jours de Pompéi (1959), dont il a coécrit le scénario, tombe malade. La production lui demande de terminer le film. Le pas est franchi, et, en 1961, Sergio Leone réalise son premier long métrage : Le Colosse de Rhodes, un péplum.

Trois ans plus tard, il lance la veine du « western spaghetti », avec Pour une poignée de dollars. Tournée en Espagne pour cause de budget modeste, cette adaptation du Garde du corps, d’Akira Kurosawa, sera, comme ses deux films suivants (Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la Brute et le Truand), un immense succès public.

La critique mettra plus longtemps à reconnaître les qualités de ces westerns teintés d’ironie amère, influencés par le film noir, qui se distinguent par un formalisme extrême, un art du temps et de l’espace fondé sur des jeux de contrastes très forts.

Partie intégrante de la narration, l’utilisation de la musique d’Ennio Morricone, est, par ailleurs, une des grandes marques de fabrique du cinéaste, qui la commandait en amont et la faisait jouer pendant les tournages.

Fasciné par l’Amérique et par son cinéma, Sergio Leone s’intéresse à la manière dont la violence et la corruption gangrènent la mythologie du pays. Il ne tournera pourtant que deux fois aux Etats-Unis, pour quelques scènes d’Il était une fois dans l’Ouest, et pour Il était une fois en Amérique.

Entre-temps, il aura réalisé Il était une fois la révolution, situé pendant la révolution mexicaine, refusé de tourner le scénario du Parrain, produit une poignée de films, et collaboré à divers tournages.

Gastronome compulsif au point d’être devenu obèse, Sergio Leone est mort à 60 ans, en 1989, alors qu’il préparait Les 900 Jours de Leningrad, une histoire d’amour sur fond de seconde guerre mondiale.






Bio Express

3 janvier 1929. Naissance à Rome. Son père, Vincenzo Leone, dit Roberto Roberti, est réalisateur et sa mère, Brice Valerian, est actrice.

1945. Premiers pas comme assistant réalisateur.

1948. Assistant et figurant sur Le Voleur de bicyclette, de Vittorio de Sica.

1951. Assistant réalisateur sur Quo Vadis, de Mervyn LeRoy.

1954. Assistant de Raoul Walsh sur les scènes de bataille d’Hélène de Troie, de Robert Wise.


1959. Assistant réalisateur sur Ben Hur de William Wyler. Il termine Les Derniers Jours de Pompei, dont il a coécrit le scénario, à la place de Mario Bonnard, tombé malade.

1960. Mariage avec Carla, une ballerine avec qui il aura trois enfants.

1961. Le Colosse de Rhodes est son premier long métrage.

1964. Pour une poignée de dollars, le premier western de la trilogie de « L’homme sans nom », adapté du Garde du corps, d’Akira Kurosawa, avec Clint Eastwood et Gian Maria Volonte, sur une musique d’Ennio Morricone.

1965. Et pour quelques dollars de plus.

1966. Le Bon, la Brute et le Truand.

1967. Il était une fois dans l’Ouest, avec Henry Fonda, Claudia Cardinale et Charles Bronson, sur un scénario coécrit avec Bernardo Bertolucci et Dario Argento.

1971. Il était une fois la révolution, qu’il réalise à la suite d’un différend artistique avec le cinéaste Peter Bogdanovich.

1973. Il tourne quelques scènes de Mon nom est personne, le western parodique de Tonino Valerii avec Terence Hill et Henry Fonda.

1984. Il était une fois en Amérique, avec Robert De Niro et James Woods.

30 avril 1989. Il meurt d’une crise cardiaque à Rome, alors qu’il travaillait à une nouvelle épopée, Les 900 Jours de Leningrad.


Fiche Technique du 1er long métrage de Sergio Leone

Titre italien : Il Colosso di Rodi

Titre français : Le Colosse de Rhodes

Titre espagnol : El Coloso de Rodas

Titre anglais : The Colossus of Rhodes

Scénario : Luciano Chitarrini, Ennio De Concini, Carlo Gualtieri, Sergio Leone, Luciano Martino, Ageo Savioli, Cesare Seccia, Duccio Tessari

Musique : Angelo Francesco Lavagnino

Photographie : Antonio L. Ballesteros

Assistant réalisateur : Yves Boisset

Montage : Eraldo Da Roma

Décors : Ramiro Gómez

Costumes : Vittorio Rossi

Pays d'origine : Espagne, France, Italie

Langue de tournage : Anglais

Producteurs : Michele Scaglione, Eduardo de la Fuente, Cesare Seccia

Sociétés de production : Cinema Television International (CTI), Cineproduzioni Associati, Comptoir Français du Film Production (CFFP), Procusa

Société de distribution : MGM

Format : couleur par Eastmancolor — 35 mm — 2.35:1 (Supertotalscope) — monophonique (Westrex Recording System)

Genre : Péplum

Date de sortie : 16 juin 1961 en Espagne

Durée : 130 min (Italie 139 min, Espagne 123 min)




Il Colosso di Rodi | Le Colosse de Rhodes | The Colossus of Rhodes (1961) Sergio Leone



Le Cuirassé Potemkine | Sergeï Mikhaïlovitch Eisenstein | 1925




LE CUIRASSÉ POTEMKINE (Bronienocets Potiomkine, Battleship Potempkin, URSS, 1925, muet, 70 min).

RÉALISATION : Сергей Михайлович | Sergeï Mikhaïlovitch Eisenstein.

SCÉNARIO : S. M. Eisenstein, Nina Agadzhanova.

PHOTOGRAPHIE : Vladimir Popov, Edouard Tissé.

MONTAGE : S. M. Eisenstein.

PRODUCTION : Goskino/Mosfilm, Jacob Bliokh.

INTERPRÈTES : Alexandre Antonov, Vladimir Barski, Grigori Alexandrov, Beatrice Vitoldi.







La puissance contestataire

Jean-Michel Frodon. Article paru dans l'édition « Le Monde » du 23.01.2005



Il en sera arrivé des avanies, à ce navire de guerre baptisé du nom d'un ministre qui n'a pas laissé un souvenir heureux dans l'histoire. Combats, mauvais traitements et mutinerie à bord, censure et interdiction du film...

La plus grave, paradoxalement, parmi ces avanies est sans doute la plus récente : la gloire, l'inscription au patrimoine de la cinéphilie mondiale l'auront recouvert d'une épaisse couche de rouille honorifique, qui menace d'envoyer par le fond de la ringardise un chef-d'oeuvre vivant, compliqué, inventif et émouvant.

Il faudrait ne rien savoir du film, n'avoir pas entendu la chanson de Ferrat, oublier les images trop célèbres, la poussette, les bottes des soldats sur les marches d'Odessa, le corps du marin Vakoulin-tchouk au bout de la jetée, le lion de pierre qui se dresse et rugit...

Il faudrait juste s'asseoir dans la pénombre et regarder, entrer dans le rythme, les associations, le jeu des grosseurs de cadre et des durées de plan, les élans du graphisme des intertitres en contrepoint de celui des corps individuels et des groupes structurés par leur dynamique plutôt que par leur forme. Ça bouge tout le temps, ça rigole en coin, s'enthousiasme et s'émeut de l'oppression, de la révolte, de la solidarité.

Sergueï Mikhaïlovich Eisenstein n'était en rien un peintre d'icônes, il était un compositeur et un chorégraphe. Ses films, celui-là exemplairement, sont farandole, danse macabre, valse somptueuse et bamboula d'enfer. Les images et les idées, les blancs et les noirs, les formes et les symboles sont ses notes et ses danseurs, il les arpège et les emballe. S. M. Eisenstein croyait, comme cinéaste, à la révolution, il fit un film qui était révolutionnaire d'abord par l'énergie qu'il entendait transmettre à qui le regarderait.

Réalisé pour le vingtième anniversaire de la Révolution de 1905, « répétition générale » de celle de 1917, le film n'est certes pas une reconstitution historique fidèle. Semblant inventer sans cesse, séquence après séquence, son récit et ses modes de narration, il est la manifestation peut-être la plus condensée et la plus percutante de cette double espérance que seraient à la fois la puissance contestataire du cinéma comme acte politique et la nature révolutionnaire de l'art cinématographique comme mise en crise féconde des arts existant auparavant.

Malgré les nombreuses divergences qui les opposaient, c'est ce que croyaient ensemble les grands cinéastes soviétiques de ces années-là, Eisenstein et Vertov, Poudovkine et Barnet, Dovjenko, Kozintsev et Medvedkine. C'est ce que n'ont cessé de retrouver, au fil des décennies et jusqu'à aujourd'hui, les cinéastes qui n'ont cessé depuis d'« inventer » le cinéma.

C'est ce qui rend passionnant l'accueil public d'un film qui rompait avec les recettes romanesques et théâtrales (celles du cinéma pompier, alors comme aujourd'hui), un film sans héros ni fil dramatique simple, et qui dans les seuls pays où il put sortir alors, URSS et Allemagne, obtint une énorme succès populaire.

Dans quelle mesure est-ce la raison de son interdiction en France en Grande- Bretagne, en Italie, au Japon, de son caviardage indécent aux Etats-Unis (alors qu'il était vu comme un chef-d'oeuvre stimulant par les patrons de studio et les réalisateurs de Hollywood, qui le copièrent beaucoup) ? Ce serait faire beaucoup d'honneur aux censeurs, mais ils ont dû se douter de quelque chose.



Genèse d'un chef-d'oeuvre

S. M. Eisenstein. Article paru dans l'édition "Le Monde" du 23.01.2005
Dans un article publié en 1945 (et traduit dans les Cahiers du cinéma en 1952), Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein parle de son film, « Le Cuirassé Potemkine », et de la révolution russe.

Pour faire un film sur un cuirassé, il faut... un cuirassé. Et pour retracer l'histoire d'un cuirassé de l'année 1905, il faut notamment que le cuirassé soit du type 1905. En vingt ans - nous étions alors dans l'été 1925 - les silhouettes des bateaux de guerre avaient changé du tout au tout.

Ni dans la baie de Louga, du golfe de Finlande - c'est-à-dire dans la flotte de la mer Baltique -, ni dans la flotte de la mer Noire il n'existait plus de cuirassé du type ancien. Voici un cuirassé qui danse gaiement sur les eaux de Sébastopol. Mais ce n'est pas du tout celui qu'il nous faut. Il n'a pas cette croupe large, si particulière, il lui manque le pont arrière, théâtre du célèbre drame que nous avons à reconstituer.

Quant au véritable Potemkine, il est mis à la ferraille depuis des années. Impossible même de retrouver la trace de l'histoire dont le tourbillon a dispersé et balayé la lourde cuirasse de tôle qui recouvrait autrefois les flancs robustes du bateau. Toutefois, les limiers de la recherche nous firent savoir que si le Prince-Potemkine-de-Tauride lui-même n'était plus, son ami et parent du même type, autrefois puissant et glorieux, le cuirassé Douze-Apôtres était encore en vie. (...)

C'est sous le signe des mines que tout le travail s'accomplit. Défense de fumer. Défense de courir. Défense même d'aller sur le pont, sans nécessité absolue. (...)

Il eût fallu des mois pour décharger les mines et nous n'avons que quinze jours pour achever le film avant l'anniversaire. Essayez un peu de tourner une révolte dans pareilles conditions ! Mais « les obstacles n'existent pas pour les Russes », et la révolte fut tournée !

Ce n'est pas en vain que les mines ont remué dans le ventre du vieux cuirassé et frémi du fracas des événements historiques qui reprenaient vie sur le pont. Le rejeton cinématographique a emporté dans son tour du monde quelque chose de leur puissance explosive. L'image du vieillard révolté a causé bien des inquiétudes à beaucoup de censures et de polices d'Europe. Il n'y eut pas moins de remous dans l'esthétique cinématographique. (...)

La scène de la fusillade sur l'escalier d'Odessa ne figurait sur aucun scénario préliminaire, sur aucune des notes préparatoires au montage. C'est la rencontre même de l'escalier qui la fit naître. (...) C'est l'élan même de ces marches qui fit jaillir l'idée de la scène. Son mouvement irrésistible poussa l'imagination du metteur en scène à créer lui aussi un autre élan.

On pourrait dire que la terreur de la foule se précipitant jusqu'au bas des marches d'un seul mouvement n'est rien autre que l'incarnation de cette première émotion, ressentie à la vue de l'escalier lui-même. (...) Et voici que cet épisode particulier incarne l'émotion de l'épopée de 1905 tout entière. La partie a pris la place du tout. Et la partie s'est imprégnée de l'émotion du tout. Comment la chose fut-elle possible ?

La revalorisation du gros plan qui transforme un détail d'information en une particularité susceptible d'évoquer tout un ensemble dans l'esprit et le coeur du spectateur y est pour beaucoup. Ainsi le pince-nez du médecin au moment voulu prend la place de l'homme : le pince-nez balancé par les vagues remplace le médecin en train de se débattre dans les algues, après le jugement sommaire des marins. (...)

Le morceau de viande avariée grandit jusqu'à devenir le symbole des conditions inhumaines de vie, imposées à l'armée et à la flotte aussi bien qu'aux exploités de « la grande armée du travail ». La scène de la plage arrière a absorbé les traits de cruauté caractéristique de la répression tsariste contre toute tentative de révolte.

Cette scène symbolise également le mouvement de riposte non moins caractéristique de ceux qui reçurent en 1905 l'ordre de sévir contre les révoltés. Le refus de tirer sur la foule, sur la masse, sur le peuple, sur les frères, c'est un élément propre à l'atmosphère de l'année « cinq » ; il illustre le passé de plusieurs unités de l'armée que la réaction lâchait contre les révoltés.

La scène funèbre devant la dépouille mortelle de Vakoulintchouk fait écho à toutes les obsèques de victimes de la révolution, qui se transformaient en manifestations ardentes, provoquant bagarres et massacres. (...)

Enfin, la dernière image du film, le passage victorieux du cuirassé à travers l'escadre de l'Amirauté, cet accord majeur qui met fin aux événements, porte en elle, cette fois encore, la vision entière de la révolution de l'année « cinq ».

Nous connaissons la suite de l'histoire du cuirassé. Il fut bloqué à Constanza puis rendu au gouvernement tsariste. Une partie des marins échappa. Mais Matinchenko, tombé aux mains des bourreaux tsaristes, fut exécuté. Toutefois, l'histoire filmée du cuirassé se clôt avec raison sur une victoire. Car, du point de vue purement historique, la révolution de l'année « cinq », noyée elle-même dans le sang, figure dans le cours des événements révolutionnaires, avant tout comme un fait victorieux. Elle annonce la victoire finale d'Octobre. (...)

S. M. Eisenstein











L'artiste de la Révolution

Florence Colombani. Article paru dans l'édition « Le Monde » du 23.01.2005


Les encyclopédies américaines l'appellent le « Griffith soviétique ». Comme son aîné américain, Sergueï M. Eisenstein est l'inventeur d'une grammaire essentielle pour tous les cinéastes. Le jeune homme a dix-neuf ans en 1917 et un diplôme d'ingénieur. Enflammé par les promesses de la Révolution, il se lance dans le théâtre, aux côtés de l'acteur et metteur en scène Vsevolod Meyerhold. Mais dans l'URSS naissante, le prestige du cinéma, art moderne, est incomparable.

En 1922, Kozintsev, Trauberg et Youtkevitch créent la Fabrique de l'acteur excentrique, qui favorise des formes d'expression comme le jazz, le burlesque ou la boxe. Dans cette mouvance, Eisenstein commence son oeuvre de théoricien. Son premier long-métrage, La Grève, dénonce la condition ouvrière dans la Russie tsariste. Un tel acte de foi dans le nouveau régime lui vaut une commande prestigieuse : une oeuvre pour commémorer la révolution de 1905.

Ambitieux, Eisenstein conçoit une vaste fresque dont il commence le tournage à Moscou. Mais ni le temps ni la météo ne sont au rendez-vous. Voici l'équipe partie, racontera-t-il, « à la recherche des derniers rayons du soleil, du côté d'Odessa et de Sébastopol ». Le cinéaste décide alors que « la partie va tenir lieu du tout » : un épisode, celui de la révolte à bord du cuirassé Prince Potemkine, « va matérialiser affectivement toute l'épopée de 1905 ».

La splendeur du Cuirassé Potemkine impose Eisenstein comme un artiste de génie. Le pouvoir lui commande aussitôt Octobre, qui sort en 1927 pour célébrer l'anniversaire de la Révolution. Le choix des comédiens obéit à des considérations d'ordre idéologique. Ainsi, un ouvrier est choisi pour jouer Lénine. Eisenstein dispose de moyens exceptionnels. L'armée rouge et la population de Leningrad sont mobilisées pour des scènes de foule.

Cette opulence a son prix : Eisenstein doit obéir aux souhaits du bureau politique. Trotski vient d'être expulsé pour activités contre-révolutionnaires. Interdiction, donc, de mettre en avant son rôle en 1917. La légende dit que Staline en personne vint s'en assurer dans la salle de montage.

Eisenstein poursuit sa réflexion sur la nature du cinéma, en accordant une importance primordiale au montage.

En 1929, il est autorisé à quitter le pays pour une mission d'étude sur le cinéma parlant. Il visite Berlin, Paris, puis Hollywood, où la Paramount l'a invité. A son retour en 1932, éprouvé par le tournage de Que viva Mexico ! qu'il n'a pu achever, il est accueilli avec une méfiance hostile. On exige de lui une autocritique publique lors d'un congrès ; il doit arrêter un film en plein tournage (Le Pré de Béjine ).

Pourtant, Staline lui fait assez confiance pour le laisser tourner un nouveau chef-d'oeuvre, Alexandre Nevski. Eisenstein succombe à une crise cardiaque en 1948, quelques mois à peine après l'interdiction du deuxième volet de son Ivan le terrible, portrait d'un tyran paranoïaque.




Extrait : Le Cuirassé Potemkine (1925) Sergeï Mikhaïlovitch Eisenstein

Alphaville | Jean-Luc Godard | 1965

Titre : Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution

Réalisation : Jean-Luc Godard

Acteurs principaux : Eddie Constantine, Anna Karina, Akim Tamiroff

Scénario : Jean-Luc Godard

Photographie : Raoul Coutard

Montage : Agnès Guillemot

Musique : Paul Misraki

Production : André Michelin

Société(s) de production : Athos Films

Pays d’origine : France, Italie

Langue(s) originale(s) : (fr)

Genre : Policier, Science-fiction, Dystopie

Durée : 99 min

Sortie : 5 mai 1965

Principale(s) récompense(s) : Ours d'or au Festival de Berlin en 1965






Offret | Le Sacrifice | Andrei Tarkovski | 1986



Titre original : Offret

Titre Français : Le Sacrifice

Réalisation : Andreï Tarkovski

Acteurs principaux :
Erland Josephson,
Susan Fleetwood,
Valérie Mairesse,
Allan Edwall,
Gudrun Gisladottir,
Sven Wollter,
Filippa Franzen,
Tommy Kjellqvist

Scénario : Andreï Tarkovski

Photographie : Sven Nykvist

Musique :
Johann Sebastian Bach,
Watazumido Shuso

Production : Anna-Lena Wibom

Société(s) de distribution : Sandrew (Suède)

Pays d’origine :
Suède
Royaume-Uni
France

Langue(s) originale(s) suédois / anglais / français

Durée : 149 min

Sortie : 1986



Andreï Tarkovski : BIO EXPRESS


1932 Naissance le 4 avril à Zavraje (Russie), province d’Ivano. Son père est le poète russe Arseni Tarkovski, et sa mère, Maria Vishnyakova, est diplômée de littérature.

1937 Le père quitte le foyer familial. Andrei s’installe à Moscou avec sa mère et sa soeur Marina.

1939 Evacuation de Moscou pendant la guerre, la famille s’installe chez la grand-mère maternelle.

1943 Retour à Moscou.

1954 Intègre l’Institut central du cinéma (VGIK).

1956 Réalise son premier court métrage, Les Tueurs, en noir et blanc, d’après une nouvelle de Hemingway.

1957 Epouse Irma Raush, rencontrée au VGIK, avec qui il aura un fils, Arseny, en 1962.

1960 Le Rouleau compresseur et le violon, un moyen métrage en couleurs, est son film de fin d’études.

1962 Son premier long métrage, L’Enfance d’Ivan, remporte le Lion d’or à Venise.

1969 Remporte le prix Fipresci de la critique internationale à Cannes pour Andrei Roublev.

1970 Divorce de sa première femme, épouse Larissa Kizikova, assistante de production sur Andrei Roublev, avec qui il aura un fils, Andrei, en 1970.

1976 Met en scène Hamlet au théâtre Lenkom de Moscou. Le tournage de Stalker tourne au fiasco.

1979 Termine Stalker.

1983 Nostalghia reçoit le Grand Prix du cinéma de création à Cannes, le prix Fipresci et le Prix oecuménique.
Met en scène Boris Godounov au Royal Opera House de Londres.

1984 Annonce au cours d’une conférence de presse donnée à Milan qu’il ne retournera jamais en Union soviétique.

1985 Tourne Le Sacrifice en Suède. Apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon.

1986 S’installe à Paris où le rejoignent sa femme et son fils. Décède le 28 décembre à Neuilly-sur-Seine.



Missionnaire

Article d’Isabelle Regnier paru dans l'édition « Le Monde » du 27.01.2008

Andreï Tarkovski. Poète, philosophe, mystique... L'artiste russe, reconnu comme l'un des grands maîtres du septième art, considérait son oeuvre comme « une prière »


Venu relativement tard au cinéma, Andreï Tarkovski a passé sa vie à ferrailler avec les autorités soviétiques, et n'a laissé derrière lui que sept films.

Mort jeune, à 54 ans, il est reconnu comme le cinéaste russe le plus important de la seconde moitié du XXe siècle et, plus largement, comme l'un des grands maîtres du septième art. Poète, philosophe, mystique, Andreï Tarkovski se considérait comme un sculpteur de temps, investi, en tant qu'artiste, d'une mission envers Dieu : « Mes films ne sont pas une expression personnelle, mais une prière. »

Emplis de visions sidérées et sidérantes du monde, ses films ont inspiré de nombreux cinéastes, parmi lesquels Ingmar Bergman, qui écrivit sur leur auteur : « Si Tarkovski est pour moi le plus grand, c'est parce qu'il apporte au cinématographe, dans sa spécificité, un nouveau langage qui lui permet de saisir la vie comme apparence, comme songe. »

Né en 1932 dans la province russe d'Ivano, Andreï Tarkovski est profondément marqué, dans son enfance, par le départ de son père, le poète Arseni Tarkovski, et par la vie qu'il mène ensuite, où il est ballotté avec sa mère et sa soeur au gré des événements, et notamment de la guerre - autant d'événements qui trouveront des échos dans son film autobiographique, Le Miroir.

Initié à la musique, la peinture, la sculpture, Tarkovski s'engage, une fois à l'université, dans des études d'arabe, qu'il abandonne en cours de route.
Engagé comme géologue par l'Académie des sciences de Moscou, il formule le projet de devenir cinéaste alors qu'il est embarqué dans une longue mission dans la région de Krasnoïarsk.

Admis au VGIK (l'Institut central du cinéma) en 1956, il découvre, sous la tutelle de son professeur, Mikhaïl Romm, le néoréalisme italien, la nouvelle vague française, les films de Kurosawa, de Buñuel, de Bergman, Bresson, Mizoguchi... et réalise, l'année suivante, son premier court-métrage, Les Tueurs, adapté d'une nouvelle d'Hemingway. En 1960, Le Rouleau compresseur et le Violon, son film de fin d'étude, reçoit le premier prix du Festival de films d'étudiants de New York, la première d'une longue série de distinctions internationales.

Son premier long-métrage, L'Enfance d'Ivan, en effet, est couronné par le Lion d'or à Venise. Hormis Le Miroir, les suivants - Andreï Roublev, Solaris, Stalker, Nostalghia, Le Sacrifice - iront tous à Cannes, et plusieurs seront primés. Aucun toutefois ne recevra la Palme d'or.

Constamment tiraillé entre l'Orient et l'Occident, le cinéaste fuit le régime soviétique en 1982, laissant derrière lui sa femme et son fils, Andreï. Il tourne Nostalghia en Italie, avec le soutien de la RAI, et Le Sacrifice, son dernier film, en Suède. Atteint d'un cancer du poumon, il meurt à Paris en 1986, aux côtés de sa femme et de son fils, qui ont finalement obtenu l'autorisation de quitter l'URSS pour le rejoindre.




Le Sacrifice. Un acte de foi


Dans ce film testament, Andreï Tarkovski aborde son angoisse de l’envahissement matérialiste de la société contemporaine. Une problématique chrétienne assumée

Dernier film d’Andreï Tarkovski, adapté d’une nouvelle qu’il écrivit lui-même en 1984, réalisé en Suède alors qu’il vivait coupé de sa femme et de son fil depuis plusieurs années, Le Sacrifice peut être considéré comme l’œuvre testamentaire du cinéaste.

Le sacrifice en question est celui d’un intellectuel, athée, bourgeois, Alexander (Erland Josephson, l’acteur bergmanien de Scènes de la Vie conjugale, de Saraband…), qui se retrouve saisi d’effroi le jour de son anniversaire quand la télévision lui apprend qu’une guerre nucléaire a été déclarée. Il s’agenouille alors devant Dieu et s’engage à renoncer à tout ce qu’il possède – famille, amis, maison, biens matériels… – si le monde reprenait le cours qui était le sien, juste avant l’effroyable événement. Le miracle se produit, et l’homme exécute sa promesse.

Le film commence au bord d’une rivière, où Alexander arrive avec son fils, rendu muet à la suite d’une opération, pour planter avec lui un arbre sec. Ce faisant, il lui raconte une parabole japonaise sur un garçon qui, à force d’arroser ainsi chaque jour un arbre sec, obtint de le voir renaître à la vie au bout de trois ans. Dans le même plan-séquence, sans que l’homme se soit arrêté de parler, un autre arrive à vélo, le facteur, qui l’entraîne dans une longue discussion métaphysique, puis s’en va, le laissant poursuivre seul ses divagations, dans ce qui s’apparente à une véritable logorrhée.

Le film s’achève au même endroit, près de la rivière, après une journée et une nuit durant lesquelles le temps semble s’être littéralement dissolu, éclaté en quelques longues séquences où le surnaturel vient sans cesse pénétrer la sphère du réel et emporter le film dans des terres poétiques mystérieuses : une fête d’anniversaire qui vire à l’apocalypse, la longue prière épiphanique d’Alexander, une scène d’amour en lévitation, la mise à feu de sa propre maison et le départ d’Alexander dans une ambulance…. Revenu seul arroser son arbre, le fils prononce alors ses premiers mots, dans les dernières minutes du film : « Au commencement était le verbe… qu’est-ce que cela veut dire, papa ? »

Lumineux et obscur, foisonnant de symboles, d’incises inexpliquées, ce film empreint de mythologie païenne met en scène, autour d’une problématique profondément chrétienne, l’angoisse du réalisateur face au matérialisme des sociétés modernes.




Extrait : Offret | Le Sacrifice (1986) Andrei Tarkovski